Gravé
entre juin et juillet 1975, soit seulement quatre mois à peine après la sortie
de "Fly By Night", "Caress Of Steel" est le troisième album
du trio canadien dont le but avoué est alors d'accéder à l'étage supérieur en
terme de succès. Ironie du sort, cet opus se soldera pourtant par un (relatif)
échec commercial, alors qu'il n'en reste pas moins une œuvre importante dans la
carrière de Rush puisqu'il fait plus qu'affirmer l'évolution progressive
timidement entamée par son prédécesseur Jusque là prisonnier d'un schéma
resserré dont il n'osait que (trop) rarement s'éloigner, le groupe prend cette
fois-ci le risque de s'aventurer hors des sentiers battus pour se lancer dans
des périples épiques, préparant ainsi le terrain aux "2112" et autre
"Hemispheres", pierres angulaires à venir de ses vertes années. Corollaire
de cette maturité artistique, son identité commence à s'affiner, quand bien
même le chant de Geddy Lee ne s'éloigne pas (encore) des canons haut-perchés et
appuyés alors en vigueur, donnant toujours l'impression de singer quelque peu
Robert Plant, personnalité qui doit autant à ce goût pour les longues pièces
que pour les textes d'une grande richesse du batteur Neil Peart, désormais
parfaitement intégré. "Caress Of Steel" se divise en deux parties. La
première rassemble trois compositions au format standard mais n'est pas pour
autant à négliger, moins pour 'Lakeside Park', bon titre au demeurant, sur
lequel plane toujours trop l'ombre du zeppelin, que pour 'Bastille Day', amorce
nerveuse qu'illumine le jeu du guitariste Alex Lifeson, et 'I Think I'm Going
Bald', plein d'une rythmique toute en rondeur. La seconde partie réunit les
deux morceaux de bravoure de l'écoute. Il s'agit tout d'abord de 'The
Necromancer', épopée quasi-instrumentale où les lignes vocales sont reléguées
au rang d'utilités au profit d'une partition virtuose à la géographie vallonnée
permettant aux trois musiciens de faire feu de tout bois. Puis du haut de ses
presque vingt minutes au garrot, 'The Fountain Of Lamneth' boucle le menu,
pulsation qui puise dans "Le Seigneur des Anneaux" sa sève épique,
sans museler cette fois-ci l'organe de Geddy Lee, plus émotionnel qu'à
l'accoutumée. Là encore, Rush fait montre d'une belle audace technique au
service d'une écriture plus aboutie, illustration parfaite de la maîtrise du
canevas progressif auquel les Canadiens sont très vite parvenus. Malgré
l'accueil mitigé qui sera réservé à "Caress Of Steel", ses auteurs
poursuivront pourtant dans cette voie, plus complexe et personnelle pour
accoucher de leur première pièce maîtresse: "2112". (2015)
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