Fondé
en 2011 par deux anciens membres de Radio Moscow, le bassiste Zack Anderson et
le batteur Cory Berry, Blues Pills a connu une ascension fulgurante, à grands
coups de singles ('Black Smoke', High Class Woman'), d'EPs ("Bliss"
puis "Devil Man") et de lives, illustration d'une intense activité
scénique, le tout généralement édité en format vinyle, détail qui n'est pas
vraiment un car il témoigne de l'attachement du groupe suédois à une époque, la
fin des années 60 et le début de la décennie suivante, dont il a fait sa muse.
Ajoutons à cela la présence en son sein d'une chanteuse charismatique, la
ravissante Elin Larsson, et pour nous Français, celle du guitariste Dorian
Sorriaux, qui les a rejoints alors qu'il n'avait que seize ans (!), et vous
aurez réuni les ingrédients d'un succès pas si inattendu. Bien sûr, il serait
tentant d'expliquer celui-ci par le seul charme de sa vocaliste associé à un
rock vintage à la mode. Mais un beau minois et une musique qui a le vent en
poupe n'ont jamais suffi à faire de grands groupes. De fait, ce qui a permis à
Blues Pills de décrocher si vite les étoiles réside avant tout dans son travail
et son talent pour fignoler des perles mélodiques dont la simplicité les rend
imparables sans pour autant masquer la générosité de leurs arrangements. Si en
2014, le galop d'essai éponyme était fortement attendu, son successeur l'est
peut-être encore davantage, non seulement car il se doit de confirmer le
jouissif potentiel de ses auteurs et parce qu'il est, contrairement à son aîné
dont une bonne moitié du menu était alors déjà connu, composé de nouveaux
titres dont on espère qu'ils auront la même force que leurs glorieux
devanciers. Epousant une structure identique à celle de son prédécesseur, faite
de dix pistes ramassées dont une reprise, "Lady In Gold" ne devrait
pas décevoir les admirateurs du quatuor, auquel l'entame éponyme suffit pour
séduire et emporter la mise. Le style du groupe s'y trouve admirablement résumé
en à peine plus de quatre minutes : lignes vocales puissamment belles,
partition nerveuse qui dégorge de feeling et ambiance soyeuse. Scandinave de
sol, Blues Pills a par contre du sang américain qui coule dans ses veines. A
son écoute, on pense au rock psyché et bluesy du San Francisco hippie. La voix
d'Eli, moins lisse qu'il n'y paraît, évoquant le spectre de l'oubliée Candy
Givens (Zephyr dans lequel jouait Tommy Bolin avant de rejoindre Deep Purple),
participe de cet ancrage temporel et géographique, impression validée par la
reprise du 'Elements And Things' de Tony Joe White. Collection tranquille mais
dynamique de chansons savamment écrites, "Lady In Gold" envoûte tout
du long par les trésors qui se nichent dans son intimité colorée. Piano à la
Supertramp, comme sur l'étonnante respiration 'I Felt Change', duveteuse
élévation nimbée d'orgue (ce 'Gone So Long', véritable apothéose de l'album),
envolée pulsative et remuante à l'image de 'Won't Go Back' ou chœurs
ensorcelants ('Burned Out') parsèment un menu qui fait la part belle aux
ambiances, alternant titres énergiques ('Lady In Gold', 'Bad Talkers') et échappées
riches en nuances mais tout aussi addictives ('Little Boy Preacher',
'Rejection', You Gotta Try'). Si elle s'inscrit dans le sillage naturel du
premier opus, cette deuxième cuvée brille de mille feux, offrande moins
immédiate sans doute mais dont l'écriture d'orfèvre en fait tout simplement un
très grand disque de rock anachronique et éternel. 4/5 (2016)
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