Accaparé
par Northaunt, entité majeure de la dark ambient, et dans une moindre mesure,
par Therradaemon, nous avions presque oublié que Hærleif Langås occupait
également son (peu de) temps libre avec The Human Voice, troisième côté d'un
triangle crépusculaire, projet que nous pensions éphémère sinon disparu après
une seule offrande ("Exit Lines") il y a huit ans déjà, avalé par la nuit. Pourtant,
malgré ce long tunnel, le Norvégien n'a jamais déserté ce jardin secret aux
allures de laboratoire, ne cessant de capturer sons, instants pétrifiés et
plages désincarnées sur une période de quatre ans. "Silent Heart" est
le résultat de ces multiples sessions d'enregistrement dont le cadre nocturne
en détermine le caractère ténébreux. Si le CD, habillé d'un beau digipack, annonce
huit pistes au compteur, une seule, longue de près d'une heure, défile en
réalité, une fois l'objet glissé dans l'obscurité de la platine. De fait, ce
deuxième opus ne saurait être émietté, devant au contraire être pénétré dans sa
silencieuse globalité que n'altère pas une réalisation fragmentée dans le
temps. Froide et minimaliste, l'oeuvre porte bien son nom, kaléidoscope de
sonorités dont l'épure mortuaire le rend presque insaisissable. A des années
lumière d'une ambient oppressante, Hærleif Langås égrène, armé d'un piano
désolé et d'arrangements solitaires, des notes intim(ist)es propices à une
contemplation funèbre.(Faussement) apaisée, cette partition grouille d'une
tristesse profonde qui jaillit de ces accords grêles qui résonnent comme un
ultime souffle de vie. "Silent Heart" vibre d'une force visuelle
saisissante, évocation de ces paysages qui en composent le livret,
photographiés d'ailleurs par le Norvégien lui-même, et dont les atours
décharnés leur confère un lugubre écrin. Parfois peuplée de voix lointaines, l'œuvre
étend des nappes enveloppantes, invite au recueillement isolé d'une sombre nuit
d'hiver. Musique de fragiles ambiances qui berce tel un ressac mélancolique et
n'ennuie à aucun moment, cet album touche l'âme autant que le cœur. Les mots
manquent pour le décrire avec justesse. Encourager son écoute, au casque, cela
va sans dire, est en fait le meilleur hommage qu'on puisse lui rendre.
Profondément différent de son travail avec Northaunt et Therradaemon, The Human
Voice porte néanmoins l'incontestable griffe de son créateur, dont l'art
palpite d'une sourde et intense puissance émotionnelle et s'enracine dans un
socle géographique d'une noire beauté. 4/5 (2016)
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