On
peut être viscéralement attaché aux valeurs qui ont fait - et font encore - la
grandeur de l'art noir et ne pas vouloir sacrifier sur l'autel du evil et
primitif à tout prix, puissance et mélodie. Malcuidant en constitue une superbe
démonstration, groupe dont la sincérité se conjugue à une admirable exigence. De
loin, celui qui fait désormais office de vétéran, ayant vu la huit il y a déjà
presque vingt ans, pourrait se confondre avec toutes ces hordes de true black
avec lesquelles il partage de sinistres apparats. De près pourtant, la réalité
se révèle plus nuancée comme en témoigne Et la terre brûla..., troisième
offrande dont l'impériale réussite s'impose comme une incontestable vérité. Le
fait que ce soit Apparitia Recordings, sous-division de Drakkar Productions,
qui l'édite, comme son prédécesseur Et les cieux s'assombrissent..., est en ce
sens un signe qui ne trompe pas quant à sa valeur et à sa teneur. Malcuidant
honore, sublime même, un Black metal plus éternel que traditionnel, brutalement
épique et s'enracinant dans la terre sombre et ensanglantée de notre passé. Les
textes dans la langue de Molière participent autant d'une poésie lugubre que
d'une forme de grandeur, âpre et crépusculaire. Mais ce qui frappe avant tout à
l'écoute de cette hostie est sa prise de son dont la pureté ne l'exonère pas
d'une patine froide et obscure. La basse, en particulier, claque comme un fouet
qui mord la chair. Brillant d'un lustre séculaire, l'écriture s'avère
remarquable, oeuvre de musiciens aguerris qui possèdent une vision de leur art.
En quarante minutes, les Français forgent ainsi dans la roche glaciale de
montagnes inquiétantes drapées d'un suaire brumeux, des compositions
tumultueuses qui creusent de vastes paysages au pouvoir d'évocation immense, à
l'image de Mortelle et froide, monumentale entame irriguée par des lignes
envoûtantes desquelles suinte une profonde mélancolie. Ce titre, sans doute le
meilleur du lot, sert de patron aux cinq autres ruminations, à la fois
torrentielles dans leur funeste et furieuse ascension et gonflées d'une sève
puissamment mélodique. Si parfois, les atmosphères, lentes et hivernales,
s'installent, elles sont toutefois très vite balayées comme un fétu de paille
par une force minérale venu du fond des âges, tel ce Ornements de ténèbres dont
la vélocité se pare d'une désespérée beauté. Tranchant et rocailleux, ces
morceaux à l'écriture ciselée, redonnent toutes ses lettres de noblesse et son
lustre empreint d'une ténébreuse gravité, à ce black metal héritier d'une
longue lignée. Et la terre brûla... est un très grand disque. 4/5 (2016)
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