Bien
qu'il ait désormais disparu depuis une dizaine d'années dans la brume, après
n'avoir enfanté - à ce jour - que trois albums, Rapture n'en reste pas moins
une figure importante dans l'histoire du Death Doom du pays des mille lacs,
dont il a contribué à façonner les traits d'une glaciale et fantomatique beauté.
Ayant vu défilé dans ses rangs à peu près toute la scène extrême finlandaise,
de Finntroll à Impaled Nazarane, d'October Falls à Bararhrum sans oublier Shape
Of Despair, entre beaucoup d'autres, il est permis d'affirmer que le groupe a fait
plus que préparé le terrain à Swallow The Sun dont le séminal "The Morning
Never Came" a été enfanté quatre ans après le matriciel
"Futile", première offrande du sextet qui en 1999 va jeter les bases
de ce Death mélodique englué dans le permafrost. Alors certes, il n'invente
lui-même rien, creusant en réalité le sillon entamé par Katatonia avec son
tutélaire "Brave Murder Day", publié trois ans plus tôt mais la
sensibilité finlandaise n'ayant rien à voir avec celles des Suédois, Rapture
apporte au genre une touche très particulière, ce feeling frissonnant plus
élégiaque que sinistre quoique tout aussi entêtant. Vigies perçant le
brouillard, les guitares possèdent ce même caractère obsédant que chez
Katatonia mais elles vibrent d'un éclat mélancolique et majestueux qui
n'appartiennent en définitive qu'à elles. Il suffit ainsi d'écouter un titre
tel que 'This Is Where I Am', pourtant du lot celui le plus marqué du sceau des
Suédois, pour mesurer la différence qui existe entre les deux formations dans
leur expression d'un désespoir lugubre chez l'un, plus évanescent sinon
mélodique ('While The World Sleeps') chez l'autre. Enténébré par la voix
d'outre-tombe de Petri Eskelinen, "Futile" déroule un menu imparable
que ne grève aucun temps mort. Lancé par une très belle intro toute en
progression, l'opus prend son envol avec 'To Forget', dont les lignes
ensorcelantes et les superbes accélérations creusent dans la mémoire
d'ineffaçables stigmates. Si les plaintes suivantes maintiennent tout du long
une même inspiration, l'une d'entre elles se distingue toutefois, ce 'Someone I
(Don't) Know', lente élévation dont les traits se durcissent peu à peu, sorte
de ballade qui brutalement change de ton, explose lors d'une dernière partie
volcanique en un puissant geyser de noirceur tandis que ses ultimes mesures qui
voient le tempo s'emballer, achèvent d'en faire l'apogée d'un album qui meurt
le (presque) tout aussi superbe '(About) Leaving' aux modelés sombrement
enchanteurs. Nonobstant les incontestables qualités de "Songs For The
Withering" et "Silent Stage", Rapture ne fera jamais mieux par
la suite. Le fait que l'âme de Shape Of Despair, Jarno Salomaa, n'ait participé
qu'au seul "Futile" n'est peut-être pas étranger à une réussite que
ses successeurs ne parviendront donc pas à égaler... 4/5 (2016)
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