6 septembre 2010

KröniK | Enslaved - Vertebrae (2008)


Plus les années passent plus Enslaved, groupe majeur de la scène black metal norvégienne à laquelle il est toujours associé, largue à chaque nouvelle sortie d’album un peu plus les amarres de celle-ci. La voix hargneuse de Grutle demeure désormais le dernier oripeaux de son passé extrême… et encore, le chant clair du bassiste, combiné bien souvent à celui du claviériste Herbrand Larsen, tend à manger de plus en plus d’espace au détriment du premier. Preuve en est donné avec Vertebrae dont le titre d’ouverture, le majestueux “ Clouds ”, où les lignes vocales black ne surviennent qu’au bout de deux minutes environ, ne noue donc que peu d’attaches avec l’Art Noir. Ce dixième opuscule poursuit le chemin creusé par son acclamé prédécesseur, Ruun, qui a clairement marqué un tournant sinon une évolution essentielle dans le style du groupe lequel, a maintenant atteint une maturité évidente en terme de composition. D’une grande densité, tendus comme des verges turgescentes, les titres sont plus ramassés qu’autrefois et oscillent tous entre cinq et sept minutes (hormis pour “ The Watcher ”). Les longues épopées épiques qui émaillaient les furieux Below The Light ou Isa ont de fait disparu, tout comme les accélérations frénétiques pour laisser la place à de petites merveilles d’équilibre et d’écriture au tempo souvent envoûtant. Mais ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est ce son massif et minéral qui érige un mur de granite, ainsi que cette capacité que déploie Enslaved  à faire tourner  à chaque fois l’entame des morceaux durant de longues minutes, comme en témoigne le superbe “ Reflection ”, néanmoins un des plus violents du lot. Sans être un concept-album, il n’en demeure pas moins que Vertebrae doit être appréhendé non pas comme une brochette de chansons mais comme un bloc brut, compact et homogène avec un début et une fin, chacun des huit titres ne pouvant être interverti. Un peu à la manière de ce qui se faisait durant les années 70, période bénie  qui sert plus que jamais de combustible pour nourrir l’inspiration d’Ivar Bjornsson, principal compositeur de l’entité et qui prouve encore une fois son amour pour le rock progressif antédiluvien. Comment à ce titre, ne pas penser à King Crimson dès que des nappes d’orgue répandent leurs atmosphères brumeuses ? Comment ne pas évoquer Pink Floyd et David Gilmour à l’écoute de ces lignes de guitares aériennes qui parviennent à se frayer un chemin au sein d’une musique pourtant des plus massives ? Le fait d’avoir recruté le mythique George Marino pour assurer le mastering de l’album n’est du reste pas anodin tant Enslaved souhaitait habiller son travail d’une patte vintage sans pour autant paraître désuet. Bien au contraire, proches dans l’esprit, plus que dans la lettre, de formations ambitieuses et novatrices telles que Opeth, Neurosis (on y pense également beaucoup), Tool (dont ils partagent le producteur depuis Ruun) ou toute la scène post rock qu’admire particulièrement le Viking, les Norvégiens façonnent un art évolutif  qui s’affranchit, depuis le matriciel Monumension en 2001, des modes et des genres. Encore un chef-d’œuvre qui, vous le constaterez, ne révèle sa foisonnante richesse qu’à force de multiples aller-retour dans cet édifice de pierre taillé avec puissance et finesse. 4/5 (2008)


                                   

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