7 mai 2018

Clint Eastwood | Le 15h17 pour Paris (2018)


Alors, le voilà ce 15h17 pour Paris par qui le ratage est - soit-disant - arrivé. Ce fut la curée au sein des médias qui ont semblé s'être donnés le mot : Clint Eastwood déraille, reste à quai, manque le train etc... C'est à croire qu'ils l'attendaient ce faux-pas, le guettaient tous ces (pseudos) critiques qui n'ont pardonné au réalisateur ni son supposé virage patriotique que American Sniper aurait entamé (et Firefox ? Et Le maître de guerre ?) et encore moins son insupportable soutien au parti Républicain (et donc à Donald Trump), ce qui n'est pas nouveau non plus. Démoli par une critique (de gauche) aveuglée par sa mauvaise foi, le film a néanmoins reçu de rares avis positifs du côté des médias de droite. Rarement la fracture politique n'a paru aussi tranchée au sujet d'un objet cinématographique.
En réalité et sans être, reconnaissons-le, un grand cru, Le 15h17 pour Paris n'en demeure pas moins intéressant. Et très curieux. Comme souvent, Eastwood n'emprunte pas la direction annoncée et son film est moins le récit de l'attaque du Thalys, qui ne remplit que quelques minutes de pellicule que le parcours de trois amis militaires destinés à accomplir un acte héroïque. En faisant le procès du réalisateur et non pas du scénario, les critiques se trompent de cible. Nombreux sont ceux à lui avoir ainsi reproché son patriotisme nourri à la Bible et au culte des armes à feu et son Europe de carte postale. Portraitiste de l'Amérique, Clint brosse au contraire un monde où la famille est éclatée, voyant ses membres se tourner vers l'Eglise ou l'Armée pour (re)trouver un cadre, des repères. La vision de l'Europe "selfie", bourrée de clichés, façon Herasmus, n'est que celle de Californiens terriblement banals. C'est à travers leurs yeux et non pas ceux du metteur en scène que l'Italie se résume à quelques lieux touristiques par exemple. Héros d'un jour, ces hommes n'en sont pas moins atrocement ordinaires, presque médiocres. De fait, ceux qui réduisent Le 15h17 pour Paris à une oeuvre cocardière et virile ont dû se tromper de film ! Ce qui a tout d'abord intrigué à son sujet tient dans le fait que ce sont les véritables Spencer Stone, Anthony Sadler et Alex Skarlatos qui jouent leurs propres rôles. Si le procédé n'est pas neuf (Clint s'est peut-être souvenu que L'enfer des hommes relatait la vie d'Audie Murphy interprété par Audie Murphy lui-même), il n'est pas sans poser un problème car le long-métrage n'est pas un documentaire mais bel et bien une oeuvre de fiction quand bien même celui-ci a cherché à se montrer le plus possible fidèle à la réalité. Mais la distance et le recul nécessaires à ce type d'entreprise en sont du coup absents. Nos trois héros ne déméritent pas en tout cas, notamment Spencer Stone dont on devine que c'est sa personnalité qui a le plus intéressé Eastwood. Il est le véritable "héros" du film. Enfin, d'aucuns ont cru voir en lui, après American Sniper et Sully, le dernier volet d'une trilogie consacrée à l'héroïsme. C'est bien mal connaître Clint que d'affirmer que ces trois films s'inscrivent dans un corpus programmé, lui qui ne fonctionne qu'à instinct. Un mot pour terminer sur l'attaque terroriste déjouée qui est emballée de main de maître avec sécheresse et intensité. En définitive, Le 15h17 pour Paris n'est pas l'infâme bouse décrite mais un film curieux, tourné trop vite peut-être, mineur sans aucun doute mais néanmoins attachant. (Vu le 06/05/2018)
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