Certains
groupes ne se contentent pas de sculpter du doom, ils vivent alors bien malgré
eux cet art de la douleur jusqu'à côtoyer la mort. Tel est ainsi le cas de The
Slow Death qui livre avec "Ark" plus que sa troisième offrande (sans
compter le split partagé avec Majestic Downfall) mais surtout l'oeuvre posthume
de son chanteur Gregg Williamson, emporté par une crise cardiaque peu après son
enregistrement. Si les Australiens ne pouvaient bien entendu pas connaître
cette fin funeste, il n'en demeure pas moins que cet opus, par l'inexorable
désespoir qui le mine, prend une dimension prophétique des plus troublantes,
comme si ses auteurs avaient senti qu'il s'agissait de leur dernier album
ensemble. Autant dire que le trio va loin, très loin, repoussant jusqu'aux
limites du soutenable une lenteur dont prétendre qu'elle est pétrifiée voire
même suffocante tient du doux euphémisme. Rapides comme un escargot ayant
absorbé du Valium par boîte de douze, ces plaintes paraissent figées par la
grande Faucheuse, engluées dans une noirceur infinie. C'est tellement lent que
le batteur a le temps d'aller pisser entre deux coups de caisse claire. Rien ne
vient à aucun moment rompre une progression (?) vers le Styx, aucune lumière ni
salvatrice accélération ne brisent ce tunnel sans fin et surtout pas la voix de
Mandy Andresen (Murkrat), véritable déesse du doom, qui loin de réchauffer ce
canevas quasi immobile d'une langueur granitique, participe au contraire de
cette impression qu'aucune issue, qu'aucune échappatoire ne sont possibles,
malgré une pause éponyme finalement bien trop courte pour permettre de
reprendre son souffle. Au bout, il ne peut y avoir que les ténèbres elles-mêmes.
Golgotha qui semble ne jamais vouloir s'achever du haut de ses soixante-quinze
minutes de souffrance, "Ark" se mérite, calvaire interminable dont
les six complaintes paraissent n'en former qu'une seule, bloc d'une
vertigineuse mélancolie s'abîmant peu à peu dans les arcanes de l'indicible.
L'apogée doloriste est atteinte lors du gigantesque 'Declamation', dix-huit
minutes égrenées par des guitares belles à pleurer, lesquelles tissent une
toile dont on ne peut s'échapper, en dépit d'une tentative vite avortée de voir
le tempo s'emballer quelque peu, cependant que les claviers étirent des nappes
aux accents liturgiques. Mais une telle beauté mortifère suinte de ces marches
funèbres que l'envie de céder, de lâcher prises et se laisser couler pour embrasser
la mort est la plus forte. Peut-on résister à un monument de désespoir tel que
'The Chosen Ones' ? Impossible. Faire plus lent, plus doom, l'est tout autant
au point de se demander comment The Slow Death pourra survivre à cette hostie
d'un monolithisme aussi absolu qu'admirable... 3.5/5 (2015)
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