10 octobre 2016

KröniK | Eye Of Solitude / Faal - Split (2015)


Commun dans le black metal, l'exercice du split l'est en revanche beaucoup moins dans le doom, à fortiori dans son expression la plus funéraire. L'étirement excessif des compositions ainsi que le caractère solitaire voire hermétique d'une musique qui porte la douleur suppliciée au rang d'art, peuvent expliquer cette rareté. Les exemples existent toutefois, que l'on songe à l'alliance entre Shape Of Despair et Before The Dawn notamment mais dans ce cas particulier, les deux protagonistes avaient opté pour un format plus ramassé, loin du socle dilaté habituel. Loin de tout cela avec Eye Of Solitude et Faal dont l'éphémère mélange de sang aux couleurs sombres de la dépression, ne les empêche nullement de déployer leur signature aussi lugubre que démesurée à travers, pour chacun d'eux, une longue pièce de plus de dix minutes au garrot. Les Anglais sont les premiers à tirer avec 'Obsequies', plainte d'une lenteur engourdie qu'irriguent des lignes de guitares belles à pleurer évoquant la mélancolie automnale du Saturnus et son "Paradise Belongs To You". D'ordinaire, principale clé de voûte de cette cathédrale pétrifiée, le chant de Daniel Neagoe parait ici étonnamment lointain et il faut attendre la seconde partie pour que l'organe caverneux du roumain vienne faire trembler ces gigantesques fondations. Englué dans une tristesse abyssale, le groupe égrène une toile empreinte d'une solennelle majesté. On reconnait son goût pour les ambiances gothiques que tisse un piano funèbre. C'est superbe de bout en bout, vibrant sous les coups de boutoir d'une beauté venue des profondeurs de la terre. En un titre, Eye Of Solitude confirme qu'il est bien le maître actuel d'un funeral doom death démesuré. Plus avare de sa semence que les Britanniques qui ne passent jamais une année sans nous visiter, Faal démontre avec 'Shattered Hope" qu'il est bien en vie, quoique parler de mort à son sujet, semble plus juste, tant son art possède cette faculté d'avaler la moindre trace de lumière, le plus petit souffle de respiration. Fidèle à ce sens de la contrition sévère, les Hollandais signent un mausolée aux racines minérales dont la vertigineuse inexorabilité lui confère des allures de procession qui peu à peu progresse vers un abîme sans fin. Durant près de quatorze minutes, les Bataves creusent un caveau d'une sourde puissance, vrillé par ces riffs obsédants, chargés d'un pus désespéré jusqu'à une conclusion orageuse. Deux groupes, deux titres, deux visions granitiques d'un doom death crépusculaire mais complémentaire dans leur terrifiante force émotionnelle. 4/5 (2016)


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