Commun dans le black metal, l'exercice du split
l'est en revanche beaucoup moins dans le doom, à fortiori dans son expression
la plus funéraire. L'étirement excessif des compositions ainsi que le caractère
solitaire voire hermétique d'une musique qui porte la douleur suppliciée au
rang d'art, peuvent expliquer cette rareté. Les exemples existent toutefois,
que l'on songe à l'alliance entre Shape Of Despair et Before The Dawn notamment
mais dans ce cas particulier, les deux protagonistes avaient opté pour un
format plus ramassé, loin du socle dilaté habituel. Loin de tout cela avec Eye
Of Solitude et Faal dont l'éphémère mélange de sang aux couleurs sombres de la
dépression, ne les empêche nullement de déployer leur signature aussi lugubre
que démesurée à travers, pour chacun d'eux, une longue pièce de plus de dix
minutes au garrot. Les Anglais sont les premiers à tirer avec 'Obsequies',
plainte d'une lenteur engourdie qu'irriguent des lignes de guitares belles à
pleurer évoquant la mélancolie automnale du Saturnus et son "Paradise Belongs
To You". D'ordinaire, principale clé de voûte de cette cathédrale
pétrifiée, le chant de Daniel Neagoe parait ici étonnamment lointain et il faut
attendre la seconde partie pour que l'organe caverneux du roumain vienne faire
trembler ces gigantesques fondations. Englué dans une tristesse abyssale, le
groupe égrène une toile empreinte d'une solennelle majesté. On reconnait son
goût pour les ambiances gothiques que tisse un piano funèbre. C'est superbe
de bout en bout, vibrant sous les coups de boutoir d'une beauté venue des
profondeurs de la terre. En un titre, Eye Of Solitude confirme qu'il est bien
le maître actuel d'un funeral doom death démesuré. Plus avare de sa semence que les
Britanniques qui ne passent jamais une année sans nous visiter, Faal démontre
avec 'Shattered Hope" qu'il est bien en vie, quoique parler de mort à son
sujet, semble plus juste, tant son art possède cette faculté d'avaler la
moindre trace de lumière, le plus petit souffle de respiration. Fidèle à ce
sens de la contrition sévère, les Hollandais signent un mausolée aux racines
minérales dont la vertigineuse inexorabilité lui confère des allures de
procession qui peu à peu progresse vers un abîme sans fin. Durant près de
quatorze minutes, les Bataves creusent un caveau d'une sourde puissance, vrillé
par ces riffs obsédants, chargés d'un pus désespéré jusqu'à une conclusion
orageuse. Deux groupes, deux titres, deux visions granitiques d'un doom death
crépusculaire mais complémentaire dans leur terrifiante force émotionnelle. 4/5 (2016)
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