Distant
Voices est un label selon notre coeur parce qu' il rassemble tout ce que l'on
attend de ce genre d'écurie aussi précieuse que modeste, à savoir passion et
identité. Passion pour un art qui doit demeurer dans l'obscurité et dont chaque
chapitre en son honneur est réalisé avec une forme de noblesse artisanale.
Identité en ce sens que tous les artistes qu'il signe gravite tous plus ou
moins dans les même sphères mystérieuses entre Black dépressif, Ambient et
Drone. MiserY, Arbre, Brouillard ou Aube Grise enrichissent peu à peu de leur
sinistre semence ce singulier catalogue, que complète aujourd'hui Aeon Aether,
première offrande longue durée de Celestial Dirge dont le séminal Cerulean
Arcanes avait attisé notre curiosité il y a seulement quelques mois, EP d'une
force souterraine et hypnotique creusant un sillon oppressant auquel le duo
américain reste fidèle autant dans la forme, basée sur des plaintes à
l'architecture le plus souvent étirée sinon démesurée, que dans le fond, froid
et mécanique. Forger ce type de black metal aux confins de l'ambient se révèle
être un exercice plus périlleux qu'il n'y parait et rares sont vraiment ceux
qui réussissent à éviter les pièges qu'il tend. B. et S., les deux membres du
groupe, comptent parmi ceux-ci, ne confondant jamais transe répétitive et vain
remplissage, atmosphères obsédantes et noirceur de carton-pâte. En quatre pistes
pour cinquante minutes de musique, ils parviennent à étendre un maillage
organique et enveloppant qui confine à la transe, ils déploient les arcanes
tentaculaires d'un édifice dont les gigantesques dimensions ne se dévoilent que
peu à peu, par petites touches pointillistes. Ainsi, Celestial Dirge prend son
temps, posant les pierres d'un labyrinthe étouffant, comme un étau qui se
resserre, à l'image de 'CRFT 2 NR' qui ne démarre réellement qu'à mi-parcours
lorsque la batterie programmée surgit tel un geyser crachant un fluide saccadé.
Parfois pas si éloigné que cela d'une Coldwave funèbre ('EXT. 17'), une sève
émotionnelle, une espèce de beauté tellurique, grondent sous la surface de ces
pulsations dont l'énergie stroboscopique
emporte tout en un magma assourdissant qui jaillit depuis les
profondeurs abyssales de la terre. Et pourtant, de ce mur tripant, érigé par
une rythmique aux allures de machine infernale qui s'emballe pour ne plus
s'arrêter, suinte une aura quasi céleste ('CLSTL TXTRS') qui fait beaucoup pour la
particularité, et toute la valeur, de ce projet qui ne ressemble à aucun autre,
démiurge d'un art indescriptible qui se vit, se ressent plus qu'il ne s'écoute.
Avec Aeon Aether, Celestial Dirge ne déçoit pas et franchit avec brio le cap du
premier album. (2016)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire