Aun
est décidément un projet insaisissable, ce qu'il a toujours été mais force est
de reconnaître que chacune de ses nouvelles offrandes nous égare un peu plus
sans pour autant perdre de ce lustre à la fois hypnotique et fantomatique qui
n'appartient qu'à ses créateurs. Inlassablement, le duo québécois composé de Martin
Dumais et Julie Leblanc continue de travailler son art, dont le caractère
nettement atmosphérique n'étouffe en rien une mélancolie sourde qui affleure
plus qu'elle ne gronde. Insaisissable mais d'une puissance d'envoûtement
intacte, la musique que matérialise le couple s'affranchit toujours davantage
des frontières, des carcans, masse sonore éprise de liberté. Preuve en est
encore une fois avec "Fiat Lux" qui succède à "Alpha Heaven"
avec lequel il partage cette tessiture presque éthérée, entre drone enveloppant
et ambient spectrale mais dont il s'éloigne par ses tubulures plus electro,
tissant franchement des liens avec l'IDM. Il en résulte sans doute l'album le
plus posée, le plus limpide encore jamais enfanté par les Canadiens, maillage
serré d'effluves qui se répandent en une myriade de sonorités synthétiques aux
confins d'une deep techno pulsative. La présence comme invités, de Wixtes,
Frédéric D'Oberland et du DJ Philippe Petit participent de cette couleur
trippante qui confère à "Fiat Lux" sa dimension robotique taillée
pour les platines berlinoise. Démarrant
par une respiration aux boucles entêtantes dans la lignée du disque précédent,
l'œuvre prend par la suite peu à peu son envol en une élévation bourgeonnante proche
de la transe à l'image de 'Middle Earth' d'une force d'évocation foudroyante.
Nappes stratosphériques ('Radiation'), Mellotron hanté ('Crystal Towers'), voix
étranges comme échappées d'un trou noir ('Voodoo') et pulsions percussives
('Resistance Underground') fusionnent en un magma contemplatif, propice aux
déambulations rêveuses, songes d'une froide sensualité. Malgré tout, la signature des Québécois
demeure, qu'incarne cette façon singulière de tisser un kaléidoscope d'ambiances sombrement
soyeuses à l'intérieur d'un cadre au format très court, loin des canevas étirés
habituels. Quelques minutes suffisent au tandem pour emporter très loin, très
haut l'amateur en quête d'exploration autant sonores que visuelles. Unique et
passionnant, Aun accouche selon ses habitudes d'un opus d'une beauté apaisée
qui le voit larguer les amarres de l'ambient pour accoster les terres downtempo d'une electro planante. Insaisissable. (2016)
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