S'abîmer toujours plus profondément, s'enfouir
dans les ténèbres des fosses marines les plus inaccessibles, là où l'homme n'a
encore jamais osé s'enfoncer, où toute trace de lumière est absente, royaume
d'un noir d'encre éternel, est le mot d'ordre que semble s'être donnés des
musiciens désireux de repousser encore et toujours d'infranchissables limites.
Ces français font partie de ceux-ci. Tout dans ce groupe évoque des images de
monde vicié, étouffant, au bord de l'asphyxie, porteur d'une souffrance
inexorable. De fait, « Apnée », première exploration sonore, préparée
par une simple démo trois ans plus tôt, porte franchement bien son nom en cela
qu'elle en dit de toute façon plus long que toutes les analyses et les descriptions
sur un contenu qu'on devine suffocant. Lourd. Forcément (très) lourd. Le groupe
sculpte au burin un matériau qui vibre d'un tension hallucinée, bloc massif que
secouent les coups de boutoir de plaques tectoniques qui se chevauchent et dont
les racines noueuses, tentaculaires, creusent de monumentales galeries dans les
profondeurs de la terre. Entre Sludge pétrifié et Post Hardcore apocalyptique,
cet opus a quelque chose d'un bathyscaphe oppressant qui sombre dans une
obscurité tellurique, descente sans fin que rien ne vient à aucun moment
freiner. Seule la courte plage, 'Odds', permet de souffler, de remonter à la
surface afin de reprendre son souffle, manière de miraculeuse respiration avant
de replonger de plus belle dans les entrailles de l'indicible. Valve imprime
une violence à la fois rentrée et furieuse, tendue et impétueuse, tout du long
de cet album fait de cinq pistes aussi douloureuses que tentaculaires,
gravitant toujours au bord d'un précipice, intimité obscure aux lèvres béantes.
D'entrée, 'Lapsit Ex Illis' écrase tout sur son passage, serrant un étau
jusqu'à l'asphyxie, pulsation torrentielle emportée par des rouleaux de
batterie qui viennent s'écraser contre une falaise cyclopéenne qu'érigent des
guitares épaisses comme des câbles à haute tension cependant que le chant vomit
une haine féroce. Suivent deux titres
plus courts, l'épicentre instrumental déjà citée et l'éponyme 'Apnée', qui
explose d'une rage bruitiste aux confins de la cacophonie en une orgie
ferrugineuse. Avant de s'achever sur le terminal '777', cauchemar sonore d'une
éprouvante noirceur, il y a le gros morceau (à tous les points de vue) de
l'écoute, 'Une carcasse vide de vie et de sens' qui, du haut de ses treize
minutes au jus, évoque les Suédois d'Abandon, plainte Doomcore aux allures de
démentiel Golgotha. Valve n'accouche pas uniquement un de ses méfaits qui
laissent de profondes crevasses dans la chair et la mémoire mais surtout d'un
leviathan de souffrance, sévère et monumental. (2016)
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