16 octobre 2013

Chronique : Cortez - Phoebus (2013)




Parler de (post) Hardcore suisse tient presque du pléonasme tant on ne compte plus depuis une bonne dizaine d'années les groupes du genre originaires de ce petit bout de terre coincé au centre de l'Europe. Et alors que l'on pouvait craindre rapidement sinon un déclin du moins un tarissement de ce creuset, on ne cesse au contraire d'être surpris par la capacité de celui-ci à se régénérer constamment. Quand on croit en avoir fait le tour, un aspect inédit surgit soudain, relançant du coup l'intérêt toujours renouvelé pour un édifice à la richesse insoupçonnée. Que Cortez réussisse à lui tout seul cette prouesse n'étonne pas tant que cela, formation aussi rare que précieuse attendue comme le messie. Le long tunnel séparant "Initial", son premier album en 2005, de "Phoebus", son tardif successeur n'a donc pas érodé la puissance apocalyptique d'un groupe dont on se plait toujours à rappeler la curieuse architecture ternaire où la basse ne trouve pas sa place, absence que fait oublier la force conjointe de la guitare et de la batterie. Bien que désormais quatuor grâce à la présence d'un nouveau venu à un poste, compositeur/producteur, qu'on n'attendait pas, Cortez épouse plus que jamais la forme d'un triangle. Chant, guitare, batterie, trois éléments qui fusionnent en un Golem terrassant, concentré intense d'une rage qui explose en un geyser de violence épileptique. Quand bien même une espèce de beauté sourde affleure par moment à la surface, comme lors du final de "Nos souvenirs errants", une noirceur cendreuse domine tout du long. Lente élévation, 'Temps mort' accouche de cette atmosphère crépusculaire en douleur mais non sans une forme d'émotion qui prend aux tripes. Pour moitié instrumentale, cette amorce propulse l'album dans une haine déchainée, aidée en cela par le jeu cataclysmique de Greg derrière les fûts. En un peu plus de sept minutes, les Suisses balaient d'un revers de riffs gonflés d'une sève tout autant énervée que désespérée, non seulement l'attente mais surtout la concurrence. Faire plus tendu paraît impossible. Loin d'en altérer ni la force souterraine ni le désespéré magnétisme ('Arrogant que nous sommes'), les instants comme suspendus au dessus d'un gouffre ténébreux ('Transhumance') ne font que charrier encore davantage un nihilisme absolu, lèpre qui ronge les atours saignants de pulsations qui gravitent toujours au bord de la rupture. "Phoebus" est de ces albums qui ne laissent pas indifférent, qui retournent les chairs et frappe là où ça fait mal tel un uppercut, amas d'énergie viscérale sécrétant un mal être organique.



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