Ah le
techno death ! Aux jeunes puceaux boutonneux qui viennent de découvrir le metal,
cette étiquette ne dira certainement pas grand chose. Mais pour les vieux cons
comme moi qui sont tombés dans la marmite à la fin des années 80, ce vocable
évoquera beaucoup de souvenirs : la seconde peau de Pestilence, Atheist, Cynic,
Death avec Human et ses successeurs, Coroner dans une veine plus thrash
toutefois. Bref toute une époque où certains musiciens plus aventureux que
d'autres tentent alors de (re)pousser le death metal encore balbutiant vers une
contrée plus technique encore, voire carrément progressive, entreprise
malheureusement éphémère qu'on croyait enterrée depuis bientôt dix ans. C'était
sans compter toutefois avec la vague de nostalgie qui traverse actuellement
notre confrérie aboutissant à des reformations par palettes entières. Mais entre
un Pestilence désormais plus brutal qu'expérimental et un Cynic qui a déserté
le death metal, le vrai techno death ne semble finalement pas être de retour.
Heureusement, il y a Gnostic. Gnostic, justement attendu comme le messie par
tous les adorateurs de cette sous-chapelle. Depuis 2005, date de naissance de
ce projet mené par trois membres d'Atheist (les guitaristes Sonny Carson et
Chris Baker, ainsi que le batteur Steve Flynn), leur érectomètre est en éveil
et au bord de l'explosion à force de se retenir. Leur attente est enfin
récompensée car le voilà ce Engineering The Rule tant espéré, ce graal du death
metal ultra technique. Mais attention, si vous attendez à y trouver une sorte
d'Atheist bis, la déception risque d'être au rendez-vous (si c'est le cas,
rassurez-vous, un nouvel opus de ce dernier est envisagé pour la fin de
l'année). Certes on reconnaît l'écriture de Carson et Baker mais la voix de
Kevin Freeman n'a pas la même tessiture que celle de Kelly Schaefer et ce
nouveau projet ne s'arc-boute pas sur un modelé aussi progressif. Voilà, vous
aurez été prévenu. Ceci dit, en à peine quarante petites minutes, cet album
respecte le cahier des charges qui a présidé à sa conception : dix pièces
d'orfèvrerie très courtes et donc d'une densité égale à celle du Japon qui
dégueulent presque d'une overdose de notes. Les musiciens sont tous écoeurants
de virtuosité. Véritables pistes de décollage, chaque titre est un empilement
de strates où les instruments s'affrontent, se croisent, copulent sous l'oeil vindicatif
du chant plus thrash que death de Kevin Freeman, enragé comme c'est pas permis
("Mindlock"). Gnostic nous convie à un festival orgiaque dont on sort
épuisé mais heureux. Quarante minutes, c'est certes peu. C'est toutefois
suffisant car Engineering The Rule est rempli jusqu'à la gueule. D'entrée de
jeu, "Visceral", met les points sur les "i". Agressif, implacable
et percé par un enchevêtrement de six-cordes étourdissant, ce titre est comme
une vitrine : le reste est à l'avenant. Amateurs de polyrythmie, vous allez
pouvoir jouer du poignet plus qu'à votre tour, entre "Corrosive" et
ses duels basse/guitares, un "Slepping Ground" jouissif, "Life
Suffering", coloré de touches légèrement jazzy ou bien encore
"Violent Calm", transpercé lui aussi par des parties de folie et
ouvert par une intro éblouissante. Ca avoine sévère et tant pis si l'émotion
est aux abonnés absents (sauf peut-être le temps du superbe "Wall Of
Lies") car ce n'est clairement pas le propos. Dommage toutefois que huit
des dix compositions -seuls "Visceral et "Composition" s'avèrent
en fait inédits - apparaissaient déjà sur les deux démos Splinters Of Change
(2005) et Isolate Gravity (l'année suivante). Au final, un disque à la hauteur
des espoirs placés en lui, doté d'un maillage serré, équilibré car virtuose et
direct, sans être trop expérimental. Pas assez sans doute, Atheist était plus
novateur. Les deux groupes ont donc chacun leur raison d'être et n'empiètent
pas (tout à fait) sur le terrain de l'autre. 3.5/5 (2009)
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