A partir de la seconde moitié des années 70, alors épris d'une liberté plus franche que celle que les studios peuvent plus octroyer, Robert Altman lance sa propre société de production, Lions Gate Films, refuge de quelques uns de ses films les plus personnels et les parmi les moins connus tels qu'Un mariage (1978), Quintet (1979) ou Un couple parfait (1979). 3 femmes est le premier d'entre eux, œuvre pour le moins étrange, nimbé d'un symbolisme mystérieux. Les paysages désertiques, l'ambiance aquatique, les peintures inquiétantes, tout concourt à créer un climat bizarre et quasi onirique. Ce que justifie le fait que Robert Altman ait imaginé le scénario suite à un rêve. Les rares protagonistes de ce récit presque entièrement féminin (antipathiques ou absents et parfois brutaux, les hommes ne semblent avoir qu'une fonction sexuelle), errent dans une autre réalité, n'ayant aucune interaction avec d'autres personnes, à l'image des employées du centre thermal qui les ignorent ou des locataires de la résidence qui se moquent de la superficialité de Millie. Cette dernière est une femme maniérée dont la passion pour les iris jaunes modèle toute sa vie. Elle est amusante mais on devine sous le vernis pétillant fêlures et solitude. Shelley Duvall l'incarne avec sa beauté atypique.
Sa vie commence à dérailler en prenant sous sa coupe la jeune Pinky, fille au comportement énigmatique qui peu à peu va s'immiscer dans son intimité, mue par une attirance équivoque. Sa tentative de suicide qui la plongera dans le coma est le point de bascule du film. Dès lors, un transfert de personnalité s'opère curieusement entre les deux femmes. Sissy Spacek confère elle aussi à son personnage sa présence trouble. Au sein de ce gynécée, une troisième Parque évolue à la lisière de cette allégorie psychologique, cette peintre quasi muette dont la grossesse aboutira à la mort. A la fin, toutes les trois, débarrassés des hommes et du réel, sont réunies formant une communauté resserrée. Isolée. Leurs ultimes paroles, propices aux nombreuses interprétations, nous plongent dans un mystère plus opaque encore. 3 femmes est à l'image de ses héroïnes, film éthéré et visuellement aride dont l'étrangeté opère une fascination déroutante. Moins célébrés que d'autres pellicules de Robert Altman, on tient pourtant là un de ses travaux les plus riches et aboutis aux lectures multiples. (27.01.2022) ⍖⍖⍖
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