Si
Empyrium n'a (presque) enfanté que des chefs-d'œuvre, seul le résurrectionnel
"The Turn Of The Tides" ne pouvant être considéré comme tel, l'actif
de The Vision Bleak se révèle moins éblouissant car vierge de créations égales
à un "Songs Of Moors & Misty Fields" par exemple, autant en terme
d'inspiration que d'influence. Est-il encore besoin de rappeler que The Vision
Bleak est un projet que Schwadorf a véritablement commencé à développer en
2003, dans la foulée du sabordage de ce qui était alors son principal port
d'attache ? Cela n'a toutefois pas empêché le duo qu'il forme avec le chanteur
et batteur Konstanz de graver dans la sombre terre germanique un style
fascinant dont l'étiquette "horror metal" restitue mal toute la
démesure et la finesse d'un art qui, mieux que d'autres, a su capter le lustre
gothique des récits d'épouvante à la Hammer Films mais dont "Witching
Hour", cinquième opus plus dark et agressif, a illustré l'érosion de sa
force d'évocation, en dépit d'une qualité jamais démentie. Si sa pochette aux
atours malfaisants, réalisée par le talentueux Lukasz Jaszak, annonce à nouveau
une plongée féroce dans les entrailles bouillonnantes d'une musique aux traits
abrupts, "The Unknown", sans pour autant renouer avec l'élégance
mortuaire de "Set Sail To Mystery" (2010), se présente comme un album
plus élaboré que son prédécesseur, misant davantage sur les ambiances et la
beauté ténébreuse de mélodies envoûtantes que sur le tranchant d'une noirceur
néanmoins toujours de mise. Sans toutefois sacrifier leur efficacité sur l'autel
d'ambiances sinistres, les Allemands se fendent d'un ensemble imparable, juste
milieu entre puissance de feu et atmosphères horrifiques, à l'image du (quasi)
inaugural 'From Wolf To Peacock', envolée tumultueuse où s'entrelacent
rythmique appuyée, lignes obsédantes et aplats fantomatiques. Longue de plus de
sept minutes, cette ouverture place d'emblée la barre très haut, s'imposant
même comme une des compositions les plus brillantes du groupe. Konstanz y livre
une performance qui étonne par ses couleurs moins théâtrales que par le passé.
Le vocaliste se veut d'ailleurs peut-être même l'homme de cette cuvée 2016,
contribuant à conférer au titre éponyme, l'autre morceau de bravoure de
l'écoute, qu'enrichissent arpèges et chœurs féminins, des teintes que ne
renierait pas un Paradise Lost en grande forme. A l'exception de 'The Kindred
Of The Sunset', trop classique pour séduire durablement, le menu emprunte
souvent des chemins inconnus, entre un 'Ancient Heart' aux méandres tortueux,
le terminal 'The Fragency Of Soil Unearthed' dont la progression escarpée
l'entraîne dans les profondeurs tour à tour menaçantes, grâce à son chant très
black, ou plus ensorcelantes d'une forêt peuplée de légendes. N'oublions pas de
joindre à ce tableau la puissance rampante de 'The Whine Of The Cemetery
Hound', titre lui aussi théâtre de morsures noires de la part de Konstanz,
ainsi que les lignes acérées de 'How Deep Like Tartaros'. Peut-être conscient
des limites atteintes par 'Witching Hour', The Vision Bleak a eu raison de
faire évoluer son art transylvanien avec "The Unknown" qui, sans
l'ombre d'un doute, fera date dans sa carrière. 4/5 (2016)
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