Que
"Van't Liëwen Un Stiäwen", première offrande de Wöljager, voit
aujourd'hui le jour par l'entremise de Auerbach Tonträger, sous-division de
Prophecy Productions, devrait déjà suffire à vous inciter à l'écouter car,
outre le fait que le label germanique n'a jamais eu pour habitude de se
complaire dans la médiocrité, guidé depuis ses débuts au milieu des années 90
par un souci d'exigence et d'identité, ce détail contractuel en dit plus long
sur la nature de cette œuvre précieuse que de grandes phrases. Dédié au neofolk
et aux musiques sombres acoustiques, l'écurie allemande accueille des artistes
aussi divers que Sol Invictus, The Moon And The Nightspirit, Neun Welten ou
Tenhi, pour ne citer qu'une poignée d'entre eux, qui tous partagent une
expression sonore à la fois émotionnelle et boisée, ancrée dans le substrat
tant géographique que culturel du pays qui les a vus naître. C'est aussi une
histoire de famille, celle de musiciens dont les projets parallèles ne quittent
jamais le giron maternel. Jardin secret de Marcel Dreckmann, chanteur et âme
d'Helrunar, Wöljager rejoint donc ces entités qui gravitent à la périphérie des
arts noirs alors que leur forme acoustique devrait pourtant les en éloigner.
Gageons cependant que les tamiseurs toujours à la recherche de noirceur, même
vierge de saturation, trouveront dans cet opus matière à cultiver leurs
ténébreux tourments cependant que les fidèles d'Helrunar ne seront pas dépaysés
par les ambiances d'une absolue tristesse distillée par des complaintes telles
que 'Dat Glass Löp Rask' et
'Aomdniewel', respirations déchirantes
belles à pleurer. Avec une épure aussi admirable que douloureuse, le groupe
plonge l'auditeur dans une Allemagne lointaine et rurale où la tragédie couve
sous les notes osseuses d'arpèges forestiers que soulignent une voix profonde
plus parlée que chantée et des cordes squelettiques. Basé sur une histoire se
déroulant dans la région de Münster à la fin du XIXème siècle, "Van't
Liëwen Un Stiäwen" aurait dû être une pièce de théâtre. Le projet ne
pouvant aboutir, celui que l'on connaît davantage sous le nom de Skald Draugir
n'en conserve que la bande-son, retravaillée avec l'aide de Stefan Drechsler et
Árni Bergur Zoëga, ses compagnons au sein de Árstí∂ir Lífsins. Grâce à la
beauté crépusculaire des ses arrangements, l'album aux fortes teintes
instrumentales ne souffre à aucun moment de l'absence de guitares électriques
ou de rythmes appuyés, voyage mystique et contemplatif à travers des paysages
séculaires, à la fois terreux et chargés de mystères. Nulle trace de magie
pourtant ne vient colorer ce récit qu'on devine au contraire enraciné dans une
réalité sévère sinon misérable. Si le ton se fait parfois plus léger, à l'image
de 'Summer' ou de 'Kuem To Me', cette peinture trempe dans les couleurs
automnales d'une mélancolie tranquille, presque bucolique et néanmoins
empreinte d'une gravité funeste. Plus il progresse et plus l'album s'abîme dans
la nuit jusqu'aux ultimes mesures qui sonnent comme un dernier souffle de vie. Wöljager
signe un premier opus d'une rare beauté, empreint d'un mysticisme sombre et
forestier. (2016)
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