Commençons
par les choses qui fâchent (un peu). Sulphur est un groupe paresseux. Ainsi,
alors qu'il a vu la nuit en 1999, sans compter la période longue de trois ans
durant laquelle il se nommait Taakeriket, "Omens Of Doom" n'est que
son troisième méfait à ce jour, survenant lui-même après quasiment sept ans de
silence discographique ! S'il n'était qu'un pale rejeton de l'art noir, nous ne
pourrions que saluer cette avarice. Sauf que, menée depuis ses débuts par
Øyvind Madsen, son dernier membre originel dont la guitare résonne chez Vulture
Industries et accessoirement Enslaved, qu'il a dépanné sur scène, cette horde
possède un potentiel inversement proportionnel à sa maigre semence. Le fait
qu'elle ait vu défiler dans ses rangs quelques mercenaires de la chapelle impie
norvégienne tel que le batteur Mads Guldbekkhei (Pantheon I, 1349...) autrefois
ou Erik Hæggernes (Gorgoroth, Aeternus) qui le remplace depuis 2007, assure au
moins une évidente maîtrise d'un genre que Sulphur sculpte d'une façon à la
fois brutale et de plus en plus évolutive, ce dont témoigne ce nouveau méfait,
approche bicéphale qui pourra autant rassembler que mécontenter. Brutale, la
musique des Norvégiens l'est d'une certaine manière. Minéral, le son possède
cette âpreté taillée dans les roches du Grand Nord et les puissants coups de
pilon ne sont pas pour leur déplaire, cependant que le chant de Thomas Skinlo
Høyven confère un grain râpeux comme frotté avec du papier de verre en même
temps qu'une énergie furieuse, à ce canevas implacable que forgent des guitares
incisives. Mais cette relative violence se dilue vite dans les sinuosités d'un
magma quasi progressif qui n'est pas sans rappeler, loin s'en faut, le Enslaved
de l'époque "Below The Light" notamment. Cette parenté éclate au
grand jour, tout du long d'un 'Gathering Storms' aux multiples cassures et que
hante un clavier fantomatique tandis que la six-cordes s'envole très haut lors
d'un final déchirant de beauté. D'aucuns déploreront ce mimétisme qui du reste
ne se limite pas à ce seul exemple, témoin un 'Omens Of Doom' lui aussi sous
influence. Mais il est aussi permis de trouver que les Norvégiens n'ont pas
trop à rougir de cette comparaison et ce, quand bien même ils ne peuvent se
vanter de posséder un génie équivalent à celui de leurs frères d'armes. Et tant
pis si le drakkar a peut-être gommé durant ces années d'abstinence une part de
son âme car force est de reconnaître que, l'inspiration hissée avec vigueur,
cette évolution vers un art plus sophistiqué sinon ambitieux quoique toujours
aussi abrasif, lui sied mieux au final que le black death qu'il nous régurgitait
jusqu'alors. La durée des titres s'allongent, parfois même au-delà des huit
minutes au jus, il n'est plus rare que le rythme ralentisse et les atmosphères
épiques empreintes d'une glaciale majesté priment sur l'agression pure
('Devil's Pyre'). Il n'en faudra pas davantage pour faire hurler quelques
ayatollahs mais "Omens of Doom" saura séduire ceux qui pensent que
Enslaved fut lui aussi bien inspiré de muter à partir de
"Monumension". Sans museler sa puissance de feu, Sulphur a réussi sa
mue, offrant sans aucun doute avec "Omens Of Doom" son effort le plus
abouti. (2016)
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