Que
Feue, offrande séminale que nous livre aujourd'hui Aube Grise, voit la nuit par
l'entremise de Distant Voices, artisan passionné que nous chérissons
particulièrement, ne surprend pas
vraiment et ce, pour deux raisons au moins. La première réside tout simplement
dans le fait que, derrière ce mystérieux projet, se cache en fait la propre
photographe du label, la talentueuse Anna M. La seconde tient dans le contenu même
de cet effort dont les atours froidement mélancoliques trouve dans cette antre
où se croisent des entités telles que MiserY, Arbre ou bien encore Brouillard,
le terrier naturel pour se nicher. De fait, les habitués ne seront pas dépaysés
à l'écoute de cet album publié sous le seul format cassette, dernier support
véritablement underground, taillé du reste pour ce genre de productions dont le
tirage forcément limité - 43 copies pas davantage - leur confère des allures de
trésors que ne possède qu'une petite poignée de fidèles. C'est un black metal
solitaire aux confins de l'ambient qui infuse de cet opus dont le socle est
constitué de huit plaintes aux ambiances maladives. Aube Grise ne s'affranchit
pas des codes inhérents à cet art noir suicidaire, tant visuel que sonore mais,
outre le fait que son propos est de toute façon ailleurs, force est pourtant de
reconnaître le noble lustre sinistre de ce méfait auquel le caractère reclus et
onanique de sa conception l'enrichit d'une dimension introspective voire quasi
contemplative. Et si Feue n'écarte pas les plis de sa ténébreuse intimité sous
les meilleurs auspices, témoin en ouverture ce Gris sale aux traits éprouvés,
très vite cette (relative) déception cède du terrain à la faveur des
ruminations suivantes, plus personnelles, plus douloureuses surtout, propices à
la décoction d'un mal-être infini (Noir corbeau). Arpèges osseux qui ont la
sécheresse d'une peau vieillie (Sous un ciel de marbre), guitares polluées que
rongent une décrépitude absolu (C) et chant hurlé vrillent une trame rampante,
parfois simplement instrumentale (1289), comme figée par un inexorable
désespoir. D'un hypnotisme funéraire, ces complaintes charrient une poésie
glaciale et terreuse, neige sale qui se répand en un tapi de sentiments
mortifères, de regrets inavoués. Si une beauté forestière suinte par moment, comme
sur Sorcière, par exemple, l'œuvre grouille d'une vermine sourde, celle de la
mort qui emporte le plus petit souffle de vie... (2016)
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