Votre
serviteur se souvient avoir découvert Maieutiste par sa démo tape aux allures
de brouillon, "Socratic Black Metal", voilà huit ans. A sa manière,
modeste et sans grands moyens, le groupe témoignait alors déjà d'une volonté
d'émancipation vis-à-vis du credo en vigueur au sein d'une chapelle à
l'intérieur de laquelle il se sentait à l'étroit sans pour autant chercher à en
siphonner les arcs-boutants. Après un long silence, tunnel qui a vu certains de
ses membres s'activer ici ou là, notamment chez Caïnan Dawn pour le guitariste
Keithan, le sextet est enfin de retour avec sous le bras un premier album que
nous n'attendions presque plus. Du haut de ses 76 minutes au garrot, cette
offrande éponyme donne l'impression que ses auteurs ont cherché à rattraper le
temps perdu, remplissant jusqu'à la gueule un menu d'une densité
pantagruélique. Corollaire de sa durée extrême, l'œuvre requiert de nombreux
va-et-vient dans les replis ténébreux de son intimité pour en goûter la valeur,
d'autant plus que l'art noir qui s'y déploie se révèle difficile à pénétrer. De
fait, Maieutiste n'a pas seulement mis à profit ces années d'abstinence pour
empiler les compos (l'opus n'en compte que onze), cherchant surtout à peaufiner
une écriture complexe où fourmillent les détails. Méconnaissable, le groupe a
acquis une maturité, une ampleur dont, il faut bien l'admettre, nous ne le
pensions peut-être pas capable. À l'écoute de cette offrande, on mesure combien
chaque piste a été réfléchie, pensée dans ses moindres aspects, tableaux de
maître d'une ébouriffante virtuosité. Ni orthodoxe ni évolutif mais en fait un
peu les deux à la fois, le black metal sculpté par les Français galope à
travers un chemin sinueux où copulent passages jazzy (le formidable
'Absolution'), chant clair ('... In The Mirror'), émanations instrumentales
suintant des ambiances malsaines ('Purgatoire'), cadence façon Lapin Duracell
('The Fall'), guitares gonflées d'une semence désespérée (le déchirant 'Death
To Free Thinkers'), tempo doomy ('Lifeless Visions'). Brassant nombre
d'influences, "Maieutiste" a quelque chose d'une synthèse des
diverses forces travaillant un art des plus protéiformes. Sans doute trop long
et ayant en cela mérité quelques (petits) coups de ciseaux, ce galop d'essai
mérite le respect pour le boulot abattu par ses géniteurs. Pour sa cohérence
surtout, car jamais il ne s'égare. Et s'il nous perd parfois, il le fait alors
sciemment et nous retrouve toujours au bout de cette sente avalée par une nuit
opaque. Le groupe survivra-t-il à cette somme définitive, à la fois nouveau
départ mais aussi aboutissement de longues années de maturation ? (2015)
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