Le
gouffre qui sépare Marrow Of Dreams de son prédécesseur, Deathstination , est
un peu à l'image des différences entre leur artwork respectif, le premier étant
aussi lumineux que le second était obscur et charbonneux. Du coup, ceux qui
s'attendaient tout simplement à reprendre une bonne louche d'un Doom funéraire
caverneux en seront pour leur frais. Il serait exagérer d'affirmer que ce n'est
quasiment plus le même groupe, évoquer ce point n'est pourtant pas anodin. Comment
expliquer une telle évolution ? Le nombre d'années (six ans) qui se sont écoulé
entre les deux albums peut être une première raison, long tunnel propice à la
maturation d'un style qui n'était encore qu'en gestation en 2007. Le fait que Woebegone
Obscured ait peu à peu muté en un véritable groupe quand il n'était autrefois
que le terrain vague des seuls D. Woe et K. Woe, celui-ci ayant depuis quitté
le navire, explique très certainement ce changement, bénéfique, il faut bien
l'avouer, l'identité, sinistre et austère à leurs débuts, des Danois ayant
gagné non seulement en puissance organique mais surtout en beauté émotionnelle.
S'il ne subsiste de ses origines funéraires guère plus que quelques oripeaux
qu'incarnent chant d'outre-tombe et tempo figé dans une lenteur agonisante
ainsi qu'un goût intact pour les (très) longs développements, l'opus ne s'abîme
pas moins dans les profondeurs d'une noirceur désormais plus triste et
atmosphérique que cryptique. Tissant des câbles de désespoir, les guitares n'hésitent
pas néanmoins à s'aventurer sur des chemins plus légers, plus étonnants
également, témoin ce "Crystal Void" à la mélancolie pointilliste qui
voit cet instrument s'élever parfois très haut vers un ciel bleu toutefois vite
chargé en sombres nuages. Le terminal "Into The Mindcloud" abrite lui
aussi ces lignes squelettiques curieusement presque jazzy ou acoustiques et
hispanisantes belles à en pleurer. Mais c'est du côté des parties vocales que
le changement se révèle sans doute le plus brutal sinon le plus significatif,
le chant clair posant ses notes fragiles durant (presque) chacun des cinq
titres de Marrow Of Dreams . Maladroit par moment, celui-ci confère cependant à
l'album une espèce de fébrilité touchante, à l'image de "Vacuum
Ocean". Tous ces éléments façonnent une ambivalence qui manquait à
Deathstination , oeuvre plus monotone durant laquelle rien ne semblait se
passer. Faussement immobile, son successeur a quelque chose d'un Janus sonore,
tragique mais coloré, interminable mais surprenant, vibrant de vie, une vie
toutefois triste et sans espoir. Evitant parfois de peu de sombrer dans de
fâcheuses longueurs, Marrow Of Dreams est suffisamment riche pour passionner
tout du long, ouvrant de vastes perspectives pour ce projet dont l'aura modeste
est inversement proportionnelle à son potentiel. Gageons que cette offrande,
d'une richesse limpide, devrait lui permettre de toucher un plus large public. 3.5/5 (2013)
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