Simple petite chose d'une vingtaine de
minutes peut-être, il n'en demeure pas moins que Lucem Ferre, vaut bien
des albums longue durée car en l'espace de quatre titres, dont une reprise et
une outro, ses auteurs dont l'identité n'est même pas mentionnée dans le
classieux digipack qui lui sert d'écrin mais dont on sait que le chanteur n'est
autre que Thomas Eriksson (Griftegard), esquisse déjà un univers séduisant dans
son psychédélisme sombre et occulte. Bien qu'il s'inscrive clairement dans le
sillage de tous ces heureux nostalgiques de la période charnière entre les
années 60 et 70 d'une manière générale, et de The Devil's Blood en
particulier, le chant féminin et la capacité à faire décoller les guitares très
haut en moins, Year Of The Goat témoigne néanmoins d'une personnalité
et d'un potentiel qui ne demandent qu'à s'extraire de leur gangue. Si parfois,
vingt minutes, c'est peu pour déterminer la valeur (ou pas) d'un groupe, cette
(trop) courte durée suffit pour affirmer que l'on tient là un futur grand du
(hard) rock antédiluvien légèrement plombé par une couche de Doom. Quelle
classe ! Quelle maîtrise ! On devine à l'écoute de ces quatre pistes que les
Suédois ont du métier, ont roulé leur bosse. Sinon, comment expliquer cette
éclatante réussite qui restaure toute la flamboyance généreuse d'une époque
révolue sans pour autant paraître rance. Anachronique, oui, périmé, non. C'est
là toute la magie de ces groupes dont les regards sont braqués dans le rétroviseur
mais qui savent conserver une touche contemporaine grâce à une prise de son
chaude qui retrouve la patine d'autrefois sans être rudimentaire. Convoquant
occultisme bon teint, rock psyché, proto-doom et prog originel, Year Of
The Goat n'invente donc rien mais, parvenant à capturer cette vibration
passée, il fait mieux que simplement emporter l'adhésion. De fait, Lucem
Ferre est de ces offrandes qui, une fois leur tour achevé, ne donnent
d'une seule envie: les repasser en boucle des heures durant. "Of
Darkness" ouvre la porte sur ces années 60 et 70 tellement fantasmées,
avec sa ligne de guitare entêtante et sa mélodie qui ne vous quittera plus.
Plus lent, "Vermillion Clouds" démarre avec une longue introduction
aux relents cryptique avant de s'envoler aux sons d'un Mellotron hanté. Durant
plus de huit minutes, les Suédois nous entraînent pour un voyage hallucinant
encadré par une rythmique d'un autre âge mais jouissive et les superbes
harmonies vocales de Thomas Eriksson. Après ce moment de bravoure, Year Of
The Goat se réapproprie le "Dark Lord" deSam Gopal, entité
obscure et oubliée qui abrita en son temps Lemmy, avant qu'il ne
rejoigne Hawkwind puis Motörhead, reprise qui, à elle seule, en
dit plus long sur le contenu de cette ostie que de longs discours et termine le
trip avec l'instrumental éponyme, conclusion brumeuse d'un sans faute au vernis
vintage distillant une atmosphère aussi inquiétante qu'envoûtante. Il va sans
dire que nous attendons maintenant de pied (de bouc) ferme la suite des événements. 4/5 (2011)
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