Peut-être
est-ce du snobisme mal placé... ou pas. Toujours est-il qu'il était de bon ton
depuis trois ans, d'ignorer Wolves In The Throne Room, entité jadis
mystérieuse, découverte grâce au superbe visuel ornant Diadem Of 12 Stars, sa
première offrande de 2006, invite à pénétrer un Black Metal dont les termes
épiques et atmosphériques ne réussissaient qu'à peine à effleurer l'essence
intime malheureusement devenue (trop vite) 'branchouille' dans un certain
milieu qui ne connait rien à l'art noir, quand il ne le méprise pas carrément.
La faute aussi à des travaux tels que Malevolent Grain et Black Cascade qui
n'étaient pas parvenus non plus à égaler la flamboyance obscure de Two Hunters.
En devenant, veuillez excuser l'emploi de cette expression détestable, 'tendance',
les Américains semblaient avoir perdu en cours de route ce qui faisait leur
charme, un charme qui n'était pas sans évoquer la musique d'Agalloch en moins
Post-Rock toutefois. Malgré la présence en tant qu'invité d'Aaron Turner
(Isis), qui cherche à battre Scott Kelly pour le nombre d'apparitions chez les
copains qui ne servent pas à grand chose, et un succès attendu dans la presse
bobo parisienne, Celestial Lineage devrait étonnamment en réconcilier pas mal
avec Wolves In The Throne Room qui s'est rappelé quel grand groupe il était à
ses débuts. Il y a d'ailleurs beaucoup de Diadem Of 12 Stars et de Two Hunters
dans cette exploration qui ravive le brasier d'un Black Metal mû par des
vibrations mystiques provenant d'un humus terreux. L'œuvre doit beaucoup à son
formidable titre d'ouverture, "Thuja Magus Imperium", dont le chant
féminin habité renvoi, par sa ténébreuse et spectrale beauté, toutes les
Castafiores du dimanche. Grace à ses onze minutes, Celestial Lineage semble
être au Black Metal ce que le premier album éponyme de Worm Ouroboros fut au
Doom atmosphérique: un joyau douloureux grondant d'une puissance souterraine.
On retrouve ces incantations féminines sur "Woodland Cathedral",
piste squelettique où le chant n'est souligné que par un lointain sus-tain de
guitare abrasive. Malgré une approche plus extrême, "Subterranean
Initiation" étend un maillage atmosphérique crépusculaire, cependant
qu'"Astral Blood", écartelé par une pause acoustique belle et
déchirante, et "Prayer Of Transformation", long périple aux touches
lancinantes, vibrant d'un désespoir magnétique et nocturne, forment un tunnel
de plus de vingt minutes où les Américains poussent à son paroxysme cet art qui
puise sa source dans les entrailles de la terre et dans une nature sombre et
mythologique. Ce faisant, ils signent leur meilleur album depuis Diadem Of 12
Stars, rien de moins, et rassurent ceux qui regrettaient une exposition dont le
genre n'a pas besoin. 4/5 (2011)
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