5 janvier 2012

Abigail Williams | Becoming (2012)


Pour être honnête, jusqu’à présent le "vrai" Black Metal américain rimait surtout avec des hordes telles que Leviathan, Xasthur, Nachtmystium, Ludicra ou Velvet Cacoon, pour n’en citer qu’une petite poignée, beaucoup moins avec Abigail Williams, tâcheron qui bien qu’efficace, louchait trop, à notre goût s’entend, vers le Metalcore (à ses débuts) puis vers la branche symphonique à la Dimmu Borgir sur In The Shadow Of The Thousand Suns, proximité que le départ en 2009 de sa charmante claviériste Ashley Ellyllon pour le cirque ambulant Cradle Of Filth (qu’elle a depuis déjà quitté !) a confirmé. Et quand bien même In The Absence Of Light (2010) témoignait d’un durcissement bienvenu, nous n’attendions tout de même pas grand chose de Becoming, son successeur.

Or, c’est quasiment un nouveau groupe (ce qu’il est un peu du reste, la moitié du line-up ayant été modifiée cette année autour de la figure de proue Ken Sorceron) qui s’offre à nous avec ce troisième méfait. Un rapide coup d’œil sur le programme annoncé suffit dans un premier temps à nous indiquer que quelque chose a changé du côté d’Abigail Williams : six pistes qui n’hésitent pas à franchir allègrement la barre des dix minutes (la palme revenant même à "Beyond The Veil" qui dépasse le quart d’heure) dévoilant ainsi une architecture dont on n’aurait pas cru capable les Américains qui ne nous avaient jamais habitué à une telle démesure. Cette mue n’aurait été que formelle, limitée au seul étirement de la durée des compositions que cet album n’aurait guère présenté plus d’intérêt que ses aînés. Il n’en est rien, le Black Metal jusque là si basique façonné par le groupe, emprunte désormais une voix plus atmosphérique, plus intelligence même. En un mot, plus progressive, au sens premier du terme. Toujours présents, les claviers sont utilisés avec davantage de parcimonie, coulés dans un édifice dont ils ne sont absolument pas un des arc-boutants.  Alors qu’il avait l’habitude de nous asséner d’entre de jeu une cartouche explosive, Becoming décolle avec le long "Ascension Sickness", soit une ouverture de plus de onze minutes aux allures d’épopée qui, passée une furieuse première partie, ouvre les vannes d’une mélancolie malsaine à peine atténuée par quelques lignes de violon d’une belle gravité et où les musiciens tricotent des ambiances mortifères suspendues au-dessus d’un gouffre sans fin. Bien que d’une durée plus conventionnelle, "Radiance" déroule une trame aussi lancinante que surprenante, avant que le rythme ne s’emballe en une lente élévation paroxysmique débouchant sur un final jouissif. Si "Elestial" lui permet de s’abîmer dans les méandre d’un Black dépressif égrené par des guitares maladives, "Infinite Fields Of Mind" et ses relents thrashy, illustre bien la manière dont Abigail Williams construit désormais son art : lente entame suivie d’une envolée où se déchaînent les éléments. Enfin, malgré les oripeaux symphoniques dont il se pare, derniers vestiges d'un passé avec lequel le groupe a eu raison de rompre, "Beyond The Veil" demeure Le morceau de bravoure de cet album compact, à la fois fluide et façonné tel un travail d'orfèvre. Il ne reste plus qu'à croiser les doigts en priant (?) pour que cette évolution soit durable et pour que Becoming incarne un virage et non pas une impasse pour Abigail Williams dont on suivra avec attention l'activité à venir. Désormais sur la bonne voie, la horde ne rivalise toutefois pas encore avec un Wolves In The Throne Room pour le titre du meilleur groupe américain de Black Metal... (03/01/2012)


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