15 septembre 2010

Mar De Grises | Stream Inwards (2010)


Bien que découvert en même temps que d’autres pourvoyeurs en spleen (les masochistes Tyranny, Pantheist, My Shameful ou Until Death Overtakes Me) signés eux aussi chez Firebox, celui qui est alors considéré, à juste titre, comme l’épicentre d’un tsunami funéraire, Mar De Grises s’est cependant toujours différencié de ses compagnons de douleurs par une approche plus luxuriante de ce qu’on a baptisé le Funeral Doom, chapelle dont il a très tôt cherché à briser les murs. Le fait que le groupe soit originaire du Chili, et non pas de Finlande, comme un grand nombre de hordes suicidaires, n’est d’ailleurs peut-être pas étranger à cette singularité. A cette liberté également. En 2004, l’incroyable The Tatterdemalion Express libérait les tentacules d’une musique certes enveloppée dans un brouillard dépressif, mais dont la capacité à bourgeonner en grappes atmosphériques lui conférait déjà une identité bien marquée. Quatre ans plus tard, Draining The Waterheart enrichissait le son du groupe de teintes par moment franchement progressives, mariage étonnant avec un substrat toujours aussi tragique. Streams Inwards, première collaboration des Chiliens avec Season Of Mist, poursuit l’exploration d’un Doom évolutif et protéiforme qui n’a plus de funéraire que le nom quand bien même Mar De Grises continuent de façonner une cathédrale de désespoir. Mais, toujours à sa manière, atmosphérique, dense et mangeuse d’espace. Ainsi, dès les premières mesures du poignant "Starmaker", son empreinte est tout de suite reconnaissable, notamment la toile que tissent les guitares de Sergio et Rodrigo, dont chaque fil est une note de tristesse infinie.Néanmoins, l’architecture a encore évolué depuis Draining The Waterheart. Celle-ci se révèle plus aérée, plus mélodique sans doute aussi. Avec "Shining Human Skin", on constate qu’un gros travail a été consenti au niveau du chant. Avec maîtrise, Juan Escobar aligne grognements caverneux et voix claire chargée de regrets et de pardon, sentiments que soulignent les nombreuses nappes qu’étendent des claviers sur lesquels s’arc-boutent aussi une bonne partie de l’édifice. Succédant à ces deux titres assez ramassés, "The Bell And The Solar Gust" s’étire sur plus de onze minutes; long voyage stellaire aux ambiances multiples mais toujours désespérées (quel final à vous faire pleurer tous les larmes du corps). Précédé d’un instrumental de toute beauté, hypnotique et déchirant aux confins de l’Ambient ("Spectral Ocean"), "Sensing The New Orbit", plus accessible, ouvre une pause qui s’achève avec la respiration intimiste "Catatonic North" qu’enténèbre toutefois une gorge profonde. Car, "Knotted Delirium", parasité par des kystes sonores étranges, amorce ensuite la descente finale qui atteint les profondeurs de la mines de charbon lors de la marche funèbre "A Sea Of Dead Comets", conclusion bouleversante, et malgré tout presque contemplative, d’une spirale que les thèmes cosmiques n’empêchent jamais de s’abîmer dans un océan tragique et beau à la fois. Enrichi d’une piste complémentaire, guidée par une chant féminin à la The Gathering, de plus de neuf minutes qui se coule admirablement dans le menu originel au point de prétendre en être une pièce à part entière, Streams Inwards confirme l’inspiration foisonnante de ses auteurs visionnaires épris d’Absolu qui, tout en conservant leur identité, ne cessent de travailler leur art. Essentiel ! (2010)


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