Nous avions découvert - et quitté - Gonezilla il y a six ans déjà avec Chimères, premier album bougrement prometteur à l'identité mouvante entre doom, stoner et grunge. Discrets depuis lors, seul l'EP Sang Noir (2020) ayant brisé leur silence, les Lyonnais sont pourtant toujours actifs et même plus décidés que jamais à s'extraire de la relative confidentialité dans laquelle ils végètent malheureusement encore. Un nouveau batteur en la personne de Eric Tabourier, bien connu des blackeux pour sa participation à Nydvind, Seide ou Temple Of Baal et surtout une nouvelle chanteuse incarnent ce renouveau et cette volonté d'installer (enfin) Gonezilla à la place qui devrait être la sienne, parmi les meilleures formations hexagonales de metal plombé. Pour les y aider, le maître du son doloriste Greg Chandler (Esoteric) a été convoqué pour soigner le mastering de cette deuxième offrande (très) longue durée que nous n'attendions plus vraiment. Cet apport commande une forme plus ample et tout simplement plus professionnelle, gommant les menues faiblesses qui grevaient "Chimères". Mais ces progrès tant dans l'enrobage sonore que dans l'exécution se doublent d'une évolution musicale assez nette. Est-ce l'embauche d'un batteur venu de la chapelle black metal ou la grosse patte de Chandler qui expliquent ce glissement dans les profondeurs ? Sans doute que non, ou du moins pas seulement !
Mais le fait est que les Lyonnais ont fortement durci et assombri leur style au point de ne (presque) plus les reconnaître ! Ils l'ont surtout fixé, embourbé dans le pur gothic doom death des années 90, effaçant les hésitations des débuts. Point de stoner, de grunge ou de sludge mais une authentique descente dans une mine de charbon qu'éclaire la voix délicate et poétique de Karen Hau. Mais dans la grande et belle tradition du genre lui répondent les éruptions grumeleuses du bassiste Clément Fau. Cette combinaison de chant féminin clair et de grondements masculins n'est pas le seul trait que Gonezilla emprunte au gothic doom originel dont il cultive aussi le hiératisme pesant et un sens de l'inexorabilité aride. La durée étirée des chansons (certaines voisinent avec les neuf minutes au compteur) participe de cette expression ankylosée, aboutissant à un bloc parfois hermétique de plus d'une heure qui aurait sans doute mérité quelques coups de ciseaux ou d'être au moins aéré plus qu'il ne l'est. Des nappes de claviers brumeuses ('Limbes'), des lignes de violon décharnées ('Le Songe d'Eurydice') ou des câbles de guitares emplies d'une mélancolie poignante ('Cendres') viennent heureusement briser cette linéarité ascétique qui tout du long emprisonne Aurore dans une geôle sévère. Respectant le cahier des charges du genre, le groupe n'a toutefois pas mis sa personnalité en jachère, elle s'exprime à la fois dans le recours à la langue de Molière et dans un symbolisme étonnant (que la très belle pochette reflète), qui dictent des textes d'une louable richesse. Plus lourd, plus sombre, Gonezilla trempe cette deuxième hostie dans le gothic doom death des années 90, album plus intemporel qu'anachronique dont la force souterraine se conjugue à un romantisme diaphane. Comme son titre le suggère, souhaitons que Aurore symbolise pour le groupe l'aube d'une nouvelle carrière... (26.05.2022 | MW) ⍖⍖⍖
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