Quand un groupe disparaît des écrans radars pendant de longues années, ce n’est jamais très bon signe. Panne d’inspiration ? Line-up volatile ? Problème de contrat ? Nous étions sans nouvelles de Madder Mortem, depuis la sortie de l’excellent Deadlands et sa tournée avec Opeth. Quatre ans c’est long, mais les Norvégiens ont dû faire le ménage, notamment en partant à la recherche d’un nouveau label. Et vu la musique qu’ils pratiquent, ils ont fait le bon choix en misant sur Peaceville, structure qui de fait leur convient bien davantage que Century Media, chez lequel ils étaient autant à leur place que José Bové à une réunion de l’UMP. Ce qui est à la fois troublant et rassurant, avec ce Desiderata de haute volée, c’est qu’en poursuivant le travail de dynamitage commencé par son prédécesseur, en creusant un même sillon, il donne l’impression d’avoir été gravé dans la foulée. Vous l’aurez donc compris, si vous êtes (comme beaucoup, malheureusement) hermétique au metal incroyablement bizzaroïde des Norvégiens, vous pouvez d’ors et déjà passer votre chemin. Dans le cas contraire, ce quatrième opus va vous enchanter, si tant est que ce mot soit bien adapté à une musique aussi lourde, terrassante et crépusculaire. Dès les premières mesures de « My Name Is Silence », on reconnaît tout de suite la patte de Madder Mortem ; une chape plomb vous écrase en même temps qu’un ciel gris qu’aucune lumière ne vient jamais fissurer, drape l’horizon sonore qui se déploie grâce à des guitares sept cordes et une basse vrombissante.
Mais la clé de voûte de cet édifice, le fil rouge de ces morceaux plus ramassés qu’autrefois, gagnant par là même une intensité encore plus terrible, reste bien ce chant habité, singulier, personnel, hystérique par moment, de Agnete Kirkevaarg, véritable vecteur émotionnel d’une puissance incomparable. Sa voix érige une cathédrale de tristesse et semble accueillir toute la douleur d’une humanité suppliciée qui ne sait plus où elle va. Comment ne pas être touché, ému, bouleversé par ses lignes vocales d’une absolue noirceur ? Ecris à l’encre noir du désespoir le plus total, « Plague On This Land », « M For Malice », « The Flood To Come », le monumental et tragique « Hypnos » ou le définitif « Hangman », qui résonne comme un cri d’abandon, sont des abîmes sans fond, des points de non-retour. Il y a un tel mal être qui suintent de ces riffs lourds comme des enclumes qu’un indéfinissable malaise finit par vous étreindre, à l’image de ces notes hantées comme échappées d’une fête foraine fantôme à la fin de « Cold Stone ». Un froid glacial et mortuaire comme seuls les groupes norvégiens savent répandre, souffle sur Desiderata lequel, sans être aussi douloureusement beau que Deadlands, fait partie de ses rares albums dont l’écoute est à même de vous poursuivre bien après la touche « off » enfoncée. Quand l’originalité la plus débridée est mise au service d’une musique aussi belle et noire, le résultat ne peut qu’être saisissant. Unique et certainement encore une fois incompris. (25.10.2007) ⍖⍖⍖
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