A partir des années 70, Lino Ventura va multiplier les tournages à l'étranger, tournant aussi bien en Italie (surtout) avec Terence Young (1972), à l'occasion de Cosa Nostra, Ducio Tessari pour Les durs (1974), Francesco Rosi pour Cadavres exquis (1976) et Guiseppe Ferrara pour Cent jours à Palerme (1983). On le croise aussi dans la coproduction internationale, Les séducteurs en 1980. De l'autre côté de la Manche, il tourne en 1978 La grande menace qui n'a pas connu un franc succès, ni en salles ni auprès des critiques. Lino Ventura oblige, le film a pourtant souvent été diffusé, par la troisième chaîne notamment et n'a donc pas été oublié, au point de jouir désormais d'une réputation modeste mais réelle. Ce qui est mérité car il n'est pas sans qualité.
Certes moins spectaculaire que Furie (1978) de Brian De Palma et moins personnel que le Scanners (1980) de David Cronenberg, La grande menace évoque le thème de la télékinésie, perçue comme une maladie monstrueuse. Morlar peut en effet être considéré comme un monstre parce qu'il détient un pouvoir anormal et qu'il en use pour faire le mal. Pourtant, incarné avec tout le charisme inquiétant requis par Richard Burton, il apparaît avant tout comme un être désespéré et incompris que les malheurs et les drames ont poussé à peu à peu découvrir son talent de funeste manière. Cette profonde mélancolie se double d'un rejet de la société et de ses institutions (la royauté, l'Eglise, la justice...) que l''homme vomit. Le fait qu'il soit écrivain en fait évidemment le double de Peter van Greenaway, l'auteur à l'origine de The Medusa's Touch. La principale force du film réside ainsi dans ce personnage complexe que de multiples retours en arrière nous apprennent à connaître et à reconstituer le puzzle de conduisant à la tentative de meurtre dont il est victime.
Si l'identité du meurtrier est aisé à deviner, Jack Gold, dont on admire Le tigre du ciel (1976) avec Malcolm McDowell et Christopher Plummer, sait distiller une crainte morbide, efficacement épaulé par la partition de Michael J. Lewis. Nous ne sommes pas prêts d'oublier le corps alité de Morlar qui, depuis son lit d'hôpital, par la seule force de sa volonté, menace la cathédrale de Westminster. Le regard pénétrant de Richard Burton et cet électroencéphalogramme qui s'emballe de plus en plus suffisent au réalisateur pour semer l'effroi. Même débranché, le cerveau de Morlar continue de fonctionner et rien ne semble pouvoir stopper ses pulsations destructrices.
Enfin, La grande menace aligne une éblouissante affiche où, aux côtés du trio vedette composé de Burton, Ventura et Lee Remick, se succèdent d'impeccables seconds rôles britanniques de Harry Andrews à Derek Jacobi en passant par Gordon Jackson, Robert Fleyming, Philip Stone ou Michael Hordern, sans oublier la française Marie-Christine Barrault.
Sous les habits d'un suspense efficace est tapi un thriller fantastique plus singulier qu'il n'y parait, davantage porté sur les ambiances corsetées que sur l'action. (vu le 30.04.2021) ⍖⍖⍖
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