Néant fait partie de ces créatures mystérieuses qui ne peuvent proliférer que dans les caveaux les plus obscurs de l'underground. Peu d'informations circulent à son sujet, œuvre d'une seule âme solitaire (Pagvader), ruminant un art noir décharné qui se repaît dans un jus primitif. Il semble que l’entité ait connu une première vie entre 2006 et 2008, le temps de régurgiter une démo séminale et très justement baptisée "Au commencement…". Après une dizaine d’années de silence, le projet resurgit et bricole ce EP éponyme. Celui-ci est l’avenant, pas de crédits, pas de titres mais un simple CD livré dans le plus strict dénuement d’un digipack dépouillé. Il ne reste donc plus que la musique qui se répand sur quatre pistes comme une lèpre au goût de rouille. Là aussi, le contenu se veut squelettique presque primaire. Prise de son déglinguée et instruments ferrugineux qui ne filent jamais droit dictent un opus aux tracés arides dont prétendre qu’ils sont dissonants tient du doux euphémisme. Réservoir d’un black lo-fi aux confins d’un drone noise pollué, ce EP est encadré par deux pistes instrumentales, la première mélange corrosion hurlante et kystes acoustiques, la seconde est tissée dans un registre néo-classique qu'égrène un piano funèbre. Entre les deux se serrent 'Un endroit sur terre', qui a quelque chose d’un puits depuis lequel s’échappe un chant écorché résonnant comme un râle gangreneux tandis que la guitare vibre d’une lancinance hypnotique, à la manière d’un venin peu à peu inoculé. S’abîmer dans ses entrailles revient à errer dans les profondeurs d’un charnier souterrain, happé par nôtre hôte qui dérive comme un automate spectral. Aucune trace de lumière et encore moins de beauté ne s’accrochent aux parois peintes avec toute la laideur du désespoir de la haine. 'Le dernier jour de l’éternité' est taillé dans le même bois, masse enrobée d’un son horrible, suintant des borborygmes stridents. Tordue, la rythmique est réduite au strict minimum mais participe d’une atmosphère pourrissante et crépusculaire, donnant l’impression de traîner dans les ruines d’une usine fantomatique que l’homme a désertée depuis longtemps et que seuls le vide et le néant habitent... A l’image de cet album qui rebutera autant qu’il fascinera d’une façon morbide. Strié d’un mal-être absolu, Néant ne se comprend pas, il se ressent. (18.05.2020 | LHN) ⍖⍖
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