Entretien réalisé pour la Horde Noire en janvier 2017.
Malgré le split A Célébration To Lilith von Sirius et le EP Prophétie acide, plus de dix années se sont écoulées entre Maître des dominations cérébrales et Les Stigmates d’Hecate. Pourquoi un tel délai ? L’inspiration vous manquait-elle ? Où n’était-ce tout simplement pas encore le bon moment ?
Napharion : L’écart de dix ans est dû aux aléas de l’existence ; on n’est ni un groupe d’ados, ni un groupe « pro » ou sponsorisé par notre grand-mère, encore moins par la CAF, et on ne suce pas les bites des faux prophètes de la scène Metal ; la Matrix nous contraint à avoir des activités sociales pour survivre, manger et nourrir notre famille. Du coup, parfois ce que l’on pensait nous prendre deux mois nous prend quatre ans....
JS : J’ajouterai qu’avec une industrie du disque qui ne veut pas payer les sessions studio, les mixages, ni même les pressages, ça limite encore le rendement. Il faut couronner le tout avec un public qui n’achète plus d’albums et qui n’accepte de payer des places de concert que pour voir des croulants à 200 euros la place. Les albums d’Aryos sont un plaisir égoïste, celui de deux potes essayant d’être immortels et de laisser une trace de leurs Art, si minime soit-elle.
Avez-vous besoin de beaucoup de temps pour élaborer vos créations ?
Napharion : L’album Les Stigmates d’Hecate fut long à élaborer pour différentes raisons, des problèmes de line-up et des malédictions en tout genre, ainsi que l’éloignement géographique des membres, tout ça n’a pas franchement aidé.
Votre rareté ne vous rend-elle pas finalement plus précieux encore ?
Napharion : Je ne pense pas que ce soit à nous de juger ça, mais aux auditeurs.
Où en est votre line-up actuellement ?
Napharion : Depuis Les Stigmates d’Hecate, le noyau d’Aryos est un duo : JS et moi-même. Les choses sont bien équilibrées, nous n’avons pas de problème d’ego, chacun a sa place et son rôle, et chacun apporte sa pierre à l’édifice d’Aryos. L’arrivée de JS dans cette aventure a apporté énormément au projet. Bien entendu, chaque personne qui est passée dans le groupe a apporté des choses et a contribué à son évolution, même si je ne suis pas resté en bons termes avec tout le monde, il est normal de le dire que seul, je n’aurais jamais pu réaliser ce qu’Aryos a réalisé. Donc, pour l’heure, on reste en duo et si besoin on fera appel à des mercenaires studio, puisque notre batteur LVC a quitté le groupe après l’enregistrement des Stigmates.
On a l’impression que, plus que de simples collections de chansons mises bout à bout, vos offrandes doivent être appréhendées comme un tout cohérent et organique. Es-tu d’accord ?
Napharion : Si c’est le cas, cela ne fut pas réalisé consciemment, ni textuellement ni musicalement, mais la cohésion vient, je pense, du travail de JS sur la production.
JS : Il est important à mon avis de mixer les chansons dans un court laps de temps pour garder l’oreille dans le même mode et cela contribue à l’impression de cohésion, mais ce n’est pas voulu en effet.
Vous prétendez ne pas vraiment jouer du Black Metal. Est-ce une façon pour vous de vous éloigner d’un courant qui a perdu une bonne part de sa magie ?
Napharion : le Black Metal dans son essence originelle, que ce soit sous son aspect Proto ou à ces débuts de la seconde Wave, représente beaucoup pour moi et constitue l’une des racines d’Aryos, idéologiquement comme musicalement. Aryos ne cherche ni à s’en éloigner ni à s’en rapprocher, pour le dire autrement : on fait notre truc à nous, mais c’était déjà le cas pour les premiers groupes de BM, chacun avait sa propre identité avant que des armées de clones ne déboulent sur le marché. Et que tout ce casse la gueule après 1996.
JS : Je nous vois comme un groupe de Prog 70, comme les Camel, Yes ou Rush ; on fait des notes dans un ordre plus ou moins logique et ça donne notre style. Les influences sont sombres, mais pas seulement. En tout cas, nous ne pensons pas aux codes du Black Metal en composant.
Votre dernier album, notamment, est pourtant destiné à ce public. Est-ce que vous pensez que le fan de black pur et dur peut accrocher à votre art ?
Napharion : Un vrai fan de BM, un vrai Metalhead ou simplement un vrai amateur de musique et d’art, ne se contente pas de rester coincé stupidement entre des œillères, mais doit être toujours en quête de nouvelles sensations artistiques. Notre musique est destinée à tous ceux qui possèdent une sensibilité artistique et ésotérique. À tous ceux qui souhaitent une expérience quelque peu différente de ce que propose la masse.
Votre champ d’expression est en réalité très large, incorporant des touches électroniques, voire même presque progressives...
Napharion : Je trouve étrange qu’on nous colle l’étiquette « touch electro », pour deux lignes de synthé de trente secondes, alors qu’il y a des influences bien plus importantes provenant du rock Prog 70, du Doom, du Death, voir du Thrash/Heavy. Et nous avons abandonné toute trace de sympho-néo-classique que l’on pouvait trouver par le passé dans notre art.
JS : Le synthé a été affilié à l’électro, mais on en trouve en masse dans les Who, les Floyd, rainbow et même Black Sabbath.... Mais personne ne les appelaient electro. Alors certes aujourd’hui tu as des gosses de riches du 16e qui s’achètent des Moog de fou et autre trident pour en faire du Carpenter avec un gros kick, mais notre approche du synthé reste 70's.
Napharion : les passages synthétiques peuvent effectivement constituer une certaine forme d’hommage aux Goblins, Carpenter and co, et aux B.O. d’horror movies des années 70/80, mais sincèrement cela représente 3% de l’album, donc...
Quel est le concept qui a présidé à la fondation de Aryos ?
Napharion : J’ai fondé le pré-Aryos vers 1994, avec un ami de l’époque qui avait le poste de batteur, nous étions des gamins, j’étais influencé par la scène Black Metal du moment, ainsi que par des groupes comme Tiamat par exemple. Au niveau du concept, Aryos a toujours été une part de ma vie, que ce soit l’expression thérapeutique de mes douleurs, de mon chemin luciférien, de mes pratiques ésotériques...
Que représente l’occultisme pour vous ? Est-ce une philosophie ? Une grille de lecture du monde ?
Napharion : Mon intérêt pour l’occultisme est avant tout une pratique, un outil, c’est de la magie, de la sorcellerie c’est un océan plein de mystère, une recherche éternelle, quelque chose qui est là devant chaque être humain et qui ne s’explique pas… Tu ouvres des portes et tu te prends des parpaings dans la gueule, ce qui à la longue, te donne une vision du monde et de l’univers vraiment différente de celle du profane.
Au final, cela t’apporte autant de bonheur que de souffrance et c’est même de l’addiction.
Quels ouvrages conseilles-tu dans le domaine ?
Napharion : Bah, le web regorge suffisamment de références pour ceux qui voudraient s’ouvrir à ces voies, et surtout c’est une recherche personnelle, cependant je recommande les travaux ésotériques francophones avec des auteurs et/ou sorciers comme Dist de Kaerth, Philippe Pissier, Soror DS, Spartakus FreeMann, Athénos, Tezca, Neferoura, l’Aloha Temple, etc.
Avez-vous déjà participé à des rituels ?
Napharion : Ta question me fait sourire, c’est comme si tu demandais à un curé s’il avait déjà participé à une messe.
Quels thèmes abordez-vous sur Les stigmates d’Hécate ? Est-ce une référence à la déesse grecque ?
Les thèmes sont très différents suivant les titres, l’ensemble est un acte magick, et la référence à Hecate est effectivement en rapport avec l’entité grecque — et plus généralement ma passion pour la sorcellerie, ceux qui la connaissent comprendront —. D’ailleurs la version limitée tape sortie chez Arsenestre enfonce le clou de la dévotion à cette entité, puisque la cassette est accompagnée de tout un « kit » lui étant dédiée, avec des prières, des rituels, etc., une création à laquelle quelques ésotéristes ont participé, tels que Philippe Pissier, Soror DS, Edgar Kerval…
Je trouve que votre art est très licencieux, exsude le vice. Qu’en penses-tu ?
Napharion : Il y a beaucoup de déviances. L’égrégore Aryos incite effectivement à l’ouverture de certaines portes. Je suis heureux que tu puisses en ressentir certains effets.
Le groupe reste très discret. Cette relative confidentialité vous satisfait-elle ?
Napharion : En un sens oui, je préfère qu’Aryos reste discret et sincère, plutôt que de sombrer dans un buzz malhonnête, cependant il est certain que cette attitude peut également nuire à la diffusion de notre musique, qui pour le moment n’attire les gens pratiquement que par le bouche-à-oreille et la curiosité, essentiellement les vrais passionnés. On verra pour la suite comment s’investir dans la propagande et ce que le label pourra mettre en place. Car même si Aryos a été signé par des labels de qualité, que ce soit D.U.K.E, Goétie Exhumation, Deus Ex Machina (une subdivision de Drakkar) et actuellement Exu Rei, Arsenestre... Ce sont des labels qui fonctionnent de la même manière et n’investissent pas dans la propagande, ce qui nous enferme dans une sphère underground. Après, bien entendu, nous apprécierions que l’égrégore Aryos puisse grandir pour devenir quelque chose de plus puissant, sans pour autant faire le deuil de la sincérité. Mais cela n’a pas vraiment d’importance, du moment qu’on est là, présent et actif dans le microcosme de l’underground c’est déjà bien.
Le groupe existe depuis longtemps et vous-même êtes actifs aussi depuis de nombreuses années : quel regard portez-vous sur la scène metal d’aujourd’hui ? Êtes-vous nostalgiques des années 90 où tout était à faire ?
Napharion : La musique des années 70/80/90 est celle avec laquelle nous avons grandi, et les années 90 sont la période où j’ai personnellement fait mon entrée dans l’activisme underground donc peut-être que j’en ai une certaine nostalgie, en effet, mais l’art ne doit pas stagner cela n’aurait aucun intérêt, je suis absolument pour l’évolution artistique, par contre l’évolution actuelle de la scène Metal ne correspond pas à mes idées, mais c’est un autre débat...
Si le religieux n’a jamais déserté nos sociétés, il semble être de plus en plus présent. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Napharion : Ta remarque est juste, la religion reprend du flambeau et essentiellement les religions du désert, au final je ne me sens pas vraiment concerné, m’estimant de confession chaothe, ce qui me dérange beaucoup plus, c’est la connerie que cela génère, car ces religions ne sont pas adaptées à la société actuelle et l’on voit facilement ce que cela donne, une incompatibilité avec la démocratie et des dérives hallucinantes. Je suis pour la liberté de culte du moment qu’elle ne nuit à personne, mais malheureusement beaucoup de ces cultes s’appliquent à entraver nos libertés. Il faut vraiment que les hommes se remettent en question.
Aryos est-il un groupe de scène ?
Napharion : Non, malgré des tentatives de mise en place, à chaque fois il y a un problème de line-up, ou de santé, ou financier, donc on lâche l’affaire.
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