Alors
que les stigmates creusées par son aîné d'un an à peine sont encore vifs dans
nos cerveaux d'éternels flagellants, Illusions funestes voit déjà Suicidal
Madness s'échapper de son caveau pour aller errer, silhouette brumeuse et
fantomatique, à travers de sombres chemins figés par le froid de l'hiver.
Nouvelle offrande, nouveau label (Wolfspell Records) et toujours cette mélancolie
funéraire belle à pleurer. Mais si Les larmes du passé honorait avec un sens
réel de la contrition morbide le credo misérable d'un black metal d'obédience
(forcément) dépressive, ce deuxième opus s'élève bien au-delà de la simple
copie, par la magie (noire) d'un art sinistre puissamment inspiré. Les progrès
réalisés par les Français impressionnent. Ecriture touchée par une grâce
meurtrie, arrangements d'une gravité solennelle, prise de son d'une ampleur
inédite (cette basse qui claque, bon dieu, comme sur Voyage macabre) sans pour autant
siphonner cette négativité cryptique inhérente au genre et une interprétation
qui ne saurait susciter la moindre réserve, définissent le remarquable travail
abattu par des musiciens chevronnés ayant la grandeur de ce metal noir
suicidaire chevillé au corps. Rien, absolument rien, n'a été laissé au hasard,
chaque note, chaque arpège ont leur raison d'être, à l'image des courtes pistes
instrumentales qui bordent le menu, intro, intermède et outro certes de rigueur
mais qui par leur beauté douloureuse, que tisse à la manière d'un suaire, une
guitare rongée par le désespoir le plus profond, n'ont rien du vain remplissage
(Contemplation mélancolique). Entre ces respirations squelettiques, cinq
plaintes se succèdent, lesquelles redonne tout son lustre à un style trop
souvent corrompu par des kystes étrangers. Au contraire, artisan orthodoxe, Suicidal
Madness demeure fidèle à une approche dont la pureté n'a d'égale que la
noblesse. Avec son tempo pétrifié d'une lenteur telle que le batteur a le temps
d'aller pisser entre deux coups de caisse claire, et ses vocalises hurlées
d'Alrinack, pinceaux qui trempent dans un mal-être infini, Démence pose les
fondations écorchées d'une écoute placée sous le signe d'une funèbre
inexorabilité. Comment ne pas être touché jusqu'au plus profond de son âme par
ce spleen désespéré ? Il faut ne jamais avoir croiser la mort pour ne pas être
sensible à cette obscurité cafardeuse. Egrenant accords osseux ou riffs
pollués, les guitares de Fab étendent une toile dont chaque fil est une note
mélancolique, témoins ces deux tertres immenses que sont Illusions funestes et
surtout ce Corps dans un corps, véritable orgasme mortuaire, deux gemmes noirs
dont le poison désenchanté se faufile dans les veines pour nous figer, avant de
nous entraîner dans les ténèbres d'un gouffre sans fin. Voyage à travers les
limbes, ce deuxième album fait plus que confirmer le potentiel tragique de
Suicidal Madness, il le place au sommet d'un DSBM authentique. 4/5 (2016)
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