Après avoir besogné derrière les fûts du côté
d'un Necrocurse où son talent paraissait pour le moins sous-employé, suite au
sabordage, en 2007, de son Runemagick dont il donnait l'impression d'avoir
pressé tout le jus, Nicklas Rudolfsson semble depuis deux ans vouloir rattraper
le temps perdu, retrouvant avec Heavydeath l'envie de forger ce death doom qui
n'appartient qu'à lui. L'inspiration au garde-à-vous, rien, dès lors, ne peut
plus l'arrêter. Résultat, le Suédois ne cesse de cracher avec frénésie sa semence
granitique sous forme de démos et de EP (plus d'une quinzaine au totale depuis
2014, excusez du peu !), autant de brouillons qui ont préparé le terrain à
« Eternal Sleepwalker », premier album longue durée qui fut, l'an
passé, à la hauteur des attentes suscitées par cette myriade d'ébauches.
D'autres, un peu moins nombreuses toutefois (on n'en compte que cinq !),
ont depuis coulé sous le pont jusqu'à ce « In Circles We Die » qui le
voit quitter le giron du finlandais Svart Records pour celui, tout aussi
respectable, de l'allemand Iron Bonehead. S'il ne surprend pas vraiment,
irrigué qu'il est par cette sève goudronneuse reconnaissable entre mille, et
témoigne encore une fois que Heavydeath ne remplacera définitivement jamais
Runemagick dont on a fait depuis longtemps le deuil, ce deuxième véritable
effort continue, pour notre plus grand plaisir, de graver, dans la roche froide
cet art d'une inexorabilité sentencieuse. Sans surprise peut-être pour qui est
un fidèle du père Rudolfsson, cet opus ne se contente pourtant pas de creuser
un sillon identique à « Eternal Sleepwalker » dont il reste cependant
assez proche. Car, comme il savait si bien le faire avec son ancien port
d'attache, Nicklas possède toujours cette faculté rare de forer à la
manière d'une sinistre excavatrice une même matière, robuste et crépusculaire, au fil de ses offrandes, sans jamais se répéter. Cette façon masochiste de tournoyer
au-dessus d'un gouffre sans fin ('Into
Death's Black Void'), de libérer des riffs aux allures d'ondes sismiques qui se
répandent ('Slumbering Monolith'), également intacte, l'homme aime prendre son
temps, tricotant une toile qui palpite d'une force noire hypnotique. Dès 'As We
Foretold', entame aussi massive que corrosive, nous sommes autant en terrain
conquis que connu mais les chœurs
telluriques qui l'enténèbrent lui confèrent des allures inédites de rituel
caverneux. De fait, s'il ne se départit ni de son sens de l'écriture pétrifiée
('Bleak Future') ni de cette rythmique rocailleuse et encore moins de cette
prise de son rêche, qui claque comme un coup de trique, le Suédois plonge cette fois-ci encore davantage
dans des abîmes insondables grâce à sa voix plus terrifiante et souterraine que jamais, capable de siphonner la moindre trace
de lumière, le plus petit souffle de vie. Tentaculaire
et extrêmement personnel dans son expression d'une noirceur ascétique, « In Circles We Die » a
quelque chose d'un bloc de matière brute dont chaque titre forme une marche
supplémentaire, qui descendent dans les arcanes opaques de la terre. Sous
l'entremise de son principal architecte, Heavydeath poursuit inlassablement
l'érection d'un art séculaire et autarcique. 4/5 (2016)
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