Il
n'est jamais trop tard pour découvrir un (très) bon groupe et une rondelle qui
l'est tout autant. Gravé en avril 2015, publié en auto-production en septembre
de la même année, c'est de fait avec un peu de retard que cet EP éponyme de
Moke's vient enfin nous dévoiler ses charmes qu'il a nombreux. Le chant féminin
incarne bien entendu le premier d'entre eux, et pas des moindres. Chanteuse aux
racines soul et jazz, Agnès Bernon injecte un grain crasseux et pourtant
furieusement rock à un matériau épais comme une peau tannée par le soleil,
loin, très loin des standards habituels dans le genre. Or justement, Moke's,
qu'est-ce que c'est ? De quel genre s'agit-il ? La fainéantise voudrait qu'on
parle de rock alternatif ou de ce stoner (trop) à la mode car au bord de
l'indigestion. Influences seventies, gratte velue et rythmique qui groove
forment ainsi un substrat à priori aisé à identifier. Mais, s'ils ne cherchent
absolument pas à araser cet humus fertile qui leur sert de combustible, les
Parisiens réussissent déjà l'exploit de transcender ce terreau pour faire œuvre
personnelle, qui au final ne ressemble à aucune autre. On pourra toujours y
chercher et trouver quelques relents grunge mais rien n'y fait, le groupe est
déjà détenteur d'une signature très particulière, à la fois familière et
néanmoins unique, tout simplement Rock. Avec un grand R, celui qui transpire
une urgence palpable, qui sent sous les bras, qui va l'essentiel sans être
bouffi de prétentions. Pour être simple et directe, tel ce 'Don't' qui donne
envie de taper du pied, cette poignée de compositions n'en est pas moins
solidement charpentée, trahissant en cela une lente maturation dans le cadre
enfumé et imbibé des petites salles de concert. Ne franchissant jamais la barre
des cinq minutes au jus, chacun de ces cinq titres est emporté par le souffle
spontané d'une écriture débridée. Dans leur antre se nichent, là un passage
planant qui surgit après de nombreux breaks ('Antics'), ici des riffs lourds
associés à un tempo rugueux ('Swamp'). Propulsé par une énergie trapue, le menu
multiplie les fissures fiévreuses, suivant une route sinueuse bordée de
mélodies percussives et entêtantes ('Child'). Puis lorsque s'achève (déjà) le
terminal 'Darkness', montée en puissance orgasmique, on se dit que ces
vingt-deux minutes, qui sont passées trop vite, laissent certes un goût de trop
peu mais suffisent toutefois à faire de Moke's un groupe dont on reparlera très
vite. Doté d'un tel potentiel dont on devine qu'il a été à peine défloré par
cette courte ration gorgée de feeling, il ne saurait en être autrement... 3.5/5 (2016)
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