Peut-être
abusé par l'alcool ou le vague souvenir de la sortie de Musically Incorrect
puis de Endangered Species, qu'accompagnaient alors des critiques plus que
réservées à leur encontre, votre serviteur écrivait à l'époque de la
publication de Facemelter : " la première [reformation] en 1995, éphémère
et sans grand éclat". Si la reformation de Y&T quatre ans après un
split survenu dans l'indifférence générale, a effectivement été accueillie avec
tiédeur, force est de reconnaître que la (re)découverte de ces deux albums
tombés depuis dans les oubliettes méritent franchement mieux que cela. C'est
surtout vrai pour le premier d'entre eux au titre plein d'ironie. Car en 1995,
il ne fait (toujours) pas bon être un dinosaure, à fortiori lorsqu'on pratique
du Hard Rock mélodique (ou pas), genre musicalement incorrect à une époque où
les médias ne jurent plus que par le grunge et le néo-Thrash. Combien de bons
disques, à commencer par le Stranger In Us All d'un Rainbow ressuscité, n'ont
alors pas rencontré le succès, commercial, espéré par leur auteurs ? Le
successeur de Ten (1990) en fait partie. Mais le groupe américain, et notamment
son incontestable leader, Dave Meniketti, ne le savaient-ils pas dès la
décision prise de revenir aux affaires ? On peut le penser. Désormais
débarrassé d'une contrainte commerciale pesante, Y&T, que l'on retrouve ici
sous sa dernière mouture (soit, outre le chanteur déjà cité, Phil Kennemore à
la basse, Jimmy DeGrasso à la batterie et Stef Burns à la seconde guitare),
donne avant tout l'impression de se faire plaisir. En un mot : libre. Il l'est
même tellement que cet album tranche avec bonheur avec le ronronnement
artistique de In Rock We Trust ou Contagious, quand bien même la patte
indélébile du quatuor demeure, sauf le temps du curieux mais néanmoins réussi,
"Nowhere Land", pour son chant, assuré par le regretté Kennemore et
sa mélodie façon Beatles (?). Les Ricains se lâchent comme jamais, pondant des
compositions souvent assez longues - plus de la moitié d'entre elles oscillant
entre 5 et 7 minutes ! - qui se moquent de ne pas passer sur les ondes, qui du
reste ne veulent plus de leur géniteurs devenus synonymes de ringardise, ou
n'hésitent pas à placer un break jazzy ici ("Long Way Down"), une
touche presque 'zeppelienne' là ("Quicksand") ou alourdir le tempo
("21st Century"). Cela signifie-t-il que ces douze titres ne sont pas
aussi inspirés que leur glorieux aînés des années 80 ? Bien au contraire. Osons
même l'affirmer, Musically Incorrect peut être considéré comme un des sommets
de créativité d'une formation qui tend de plus en plus à se confondre avec son
capitaine Meniketti, lequel déverse sa voix chaude si caractéristique et
surtout ses éruptions 'guitaristiques' fiévreuses, guitar-hero méconnu dont on
ne peut qu'admirer le jeu sur des brulots de la trempe de "Pretty
Prison", le groovy "Fly Away" et sa wah-wah jouissive et
seventies, sans oublier "I've Got My Own" et la power-ballade obligée
"No Regrets". Décomplexé, Y&T se montre plus puissant, plus
moderne, signant un dixième album studio que nous ne saurions trop vous inviter
à réévaluer à sa juste valeur, la première donc. Suivra une modeste tournée au
succès confidentiel, avant que le groupe ne commence malgré tout à élaborer un
autre opus. ce sera le tout aussi oublié Endangered Species... 4/5 (2010)
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