De
tous les membres d'Ataraxie, passés ou actuels, Jo Théry est sans doute celui
qui reste le plus attiré par les Ténèbres, avec le batteur Pierre Sénécal. Ses
escapades en dehors du giron maternel, qu'elles aient été avortées (Bethlehem)
ou éphémères (Hyadningar), témoignent d'une soif de noirceur que son principal
port d'attache pourtant peu enclin à la joie de vivre, ne suffit à épancher. Void
Paradigm est né de ce besoin, de cette attirance pour les forces sombres. Mais
pas que. Car loin de se cantonner à une orthodoxie tant sonore, visuelle que
conceptuelle, ce sont les arcanes d'un art noir quasi expérimental qu'explore
ce groupe que le chanteur et bassiste partage avec Julien Payan, son ancien
comparse au sein de Hyadningar, et Alexis Damien de Pin Up Went Down, derrière
les fûts. De fait, certains ont été tentés de rapprocher son premier album
éponyme des travaux matriciels de Deathspell Omega et de toute cette f(r)ange
qui en découle, noueuse et dissonante, actuellement à la mode. Mais les
Français sont trop malins pour se contenter de simplement creuser des terres
déjà défrichées, injectant déjà à ce matériau mortifère sa propre personnalité.
Si, désincarné labyrinthe, cet opus séminal ne s'offrait pas aisément à
l'auditeur, que dire de son successeur aux méandres plus tortueuses encore et
dont la pénétration se veut extrêmement ardue, presque pénible. Au programme,
six titres, six reptations fouaillant les angles morts d'un monde malade, six
blocs qui paraissent au final n'en former qu'un seul, masse chaotique de
matière noire qui vous happe tel un vortex monstrueux. Si 'Crushing The Human
Skull' affiche d'une normalité trompeuse, encore que cette pulsative et
hypnotique amorce soit meurtrie par des coups de boutoir hallucinés, les
morceaux suivants sont comme les marches successives vers l'Inconnu, abîme où
aucune lumière même blafarde ne filtre. Jamais. En trois ans, le groupe a affirmé
sa signature, laquelle ne doit rien à personne, ouvrant grand le barrage de la
folie, déversant un torrent de riffs qui ne filent pas droit ('Revenge'). Architecte
d'un canevas déstructuré, Void Paradigm nous entraîne alors à travers les
couloirs oppressants d'un art très dense qui, froid et pollué, largue les
amarres du réel pour accoster une terre ravagée, au bord de la fin du monde. Un
souffle terrifiant fige ces plaintes grouillantes de détails funestes qui
prolifèrent tels une gangrène. Libéré d'un carcan conventionnel, le trio ose
tout, n'hésitant pas par exemple à achever le titre éponyme par une dernière
partie instrumentale égrenée par des notes de violon décharnées, ou à
multiplier les cassures rythmiques en une stratification étouffante, à l'image
du long et terminal 'From The Earth To The Skies'. Bénéficiant d'une excellente
prise de son, l'album met à l'honneur des musiciens dont le talent n'est plus à
prouver, notamment celui de Jo Théry qui trouve dans ce projet le terreau pour
expérimenter avec son chant abyssal, témoin le démentiel 'Sick Life Fading' qui
vrille les chairs tel un scalpel trempé dans la rouille. Plus que l'exploration
d'un genre de Black Metal moderne et tourmenté, "Earth's Disease"
façonne une partition qui n'appartient qu'à ses créateurs, hermétique sans
doute, étouffante peut-être mais d'une noirceur qui prend aux tripes. 4/5 (2015)
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