En quelques mots : Honkytonk Man constitue une œuvre
charnière dans la carrière de Clint Eastwood et une première étape vers la
reconnaissance, car c’est à partir de ce film que la critique (française tout
d’abord) commence véritablement à le prendre au sérieux en tant que cinéaste.
Tout d’un coup, certains se sont enfin réveillés et se sont rendus compte que Josey Wales hors-la-loi est bien un des
meilleurs western de l’histoire du cinéma, L’épreuve
de force plus qu’un polar de série et Bronco
Billy davantage qu’une petite comédie. Pourquoi un tel revirement ? Honkytonk Man prend la forme d’un road-movie
dans lequel Clint Eastwood campe avec talent un chanteur de country, habitué des bastringues, devant se
rendre à Nashville pour une audition. Il est accompagné de son neveu, joué avec
beaucoup de justesse par le propre fils de l’acteur, Kyle, et par le grand-père
de celui-ci, que le grand John McIntire, inoubliable troisième couteau des
années 40 et 50, interprète avec nostalgie (James Stewart était le premier
choix du réalisateur). Ce périple à travers l’Amérique en proie à la crise des
années 30, celle des Raisins de la colère, se pare également d’une dimension
initiatique, Whit, l’adolescent apprenant ce qu’est la vie au contact de son
grand-père qui se remémore dans une très belle scène la ruée vers l’Ouest, et surtout
de Red. A la fin du récit, l’enfant est devenu un adulte. Cette
huitième réalisation de l’acteur apparaît donc comme un film très personnel,
d’autant plus qu’il vient après Firefox
sorti la même année, un long métrage qui lui en revanche l’est très peu. Honkytonk Man s’inscrit dans la mouvance
de Josey Wales hors-la-loi et de Bronco Billy, soit deux des plus grands
réussites d’Eastwood. On y retrouve les mêmes thèmes chers à son cœur :
l’errance des personnages, la constitution d’une petite communauté et en
filigrane celui de la famille. A cela s’ajoute le thème de la formation, de la
transmission d’un savoir d’un aîné à un plus jeune. Ces thèmes sont présents
dans beaucoup d’autres films du cinéaste et notamment Million Dollar Baby, celui dont il se rapproche le plus, ne
serait-ce déjà que par sa fin tragique, Red Stovall et Maggie Fitzgerald
mourant au moment où ils parviennent chacun enfin à atteindre leur rêve. On
retrouve dans les deux films, et dans bien d’autres encore, cette affection
particulière que nourrit Clint pour les perdants magnifiques qui se battent
pour s’en sortir, en opposition à ceux qui se laissent aller et se contentent
de leurs maigres acquis. Mais Honkytonk
Man n’est pas aussi désespéré et crépusculaire que Million Dollar Baby. Au contraire, une note d’espoir emplit la fin
du film grâce au personnage de Whit, auquel une grande carrière musicale peut
être destinée. C’est une œuvre aussi quasi autobiographique. En effet, quand
bien même l’acteur n’a jamais connu le sort des héros du livre de Steinbeck, il
a été profondément marqué dans sa jeunesse par l’errance, sa famille étant
amener à déménager constamment au gré des différents boulots de son père. La
musique tient par ailleurs un grand rôle dans ce film. Eastwood est un musicien
confirmé et le fait que son fils soit lui-même devenu dans la vie, comme son
personnage, un musicien en renforce la dimension autobiographique. Honkytonk Man n’a pas rencontré un grand
succès lors de sa sortie sur les écran, le public refusant de voir mourir leur
héros (c’est la première fois depuis Les
proies de Don Siegel en 1971 que Clint Eastwood meurt dans l'un de ses
films). Le fait qu’il soit aussi complètement à contre courant du cinéma
contemporain explique aussi sans doute son échec, échec qui a énormément déçu
Eastwood, lequel a mis beaucoup de lui-même dans cette œuvre belle et
désenchantée. Cependant, la plupart des critiques ne s’y sont pas trompés et
ont salué l’acteur comme un grand cinéaste et un peintre remarquable de
l’Amérique, cette Amérique provinciale à laquelle il a toujours été attaché.
Chez Zone-Téléchargement
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