16 juillet 2016

KröniK | Shape Of Despair - Illusion's Play (2004)


Affirmer que le successeur de "Angels Of Distress" était attendu tient du doux euphémisme, même si une (petite) poignée de fans de la première heure, nostalgiques de "Shades Of...", n'ont pas tout à fait retrouvé dans cette seconde offrande, l'obscurité sinistre qui drapait sa séminale devancière. Après trois ans d'un silence de tombe, les Finlandais resurgissent enfin de la brume pour livrer "Illusion's Play". Sans surprise, le groupe poursuit le glissement vers une pale lumière, entamé avec l'opus précédent. Le fait que les musiciens affichent désormais leur identité ainsi que leur visage traduit bien ce passage. Encore une fois, d'aucuns le regretteront, estimant que ces derniers ont dilué l'aura qui enveloppait leur art doloriste, tel un suaire, dans une étendue plus mélodique. À tort, bien entendu, car il faut être sourd ou d'une extrême mauvaise foi pour ne pas succomber à la beauté certes moins glaciale, plus romantique sans doute, de ce disque davantage abouti et maîtrisé que ses deux aînés. La langueur a remplacé la catatonie, aboutissant à des compositions d'une tristesse plus éthérée que suicidaire, plus lumineuse (tout est relatif) que nocturne, évolution parfaitement illustrée par 'Still-Motion' où le chant clair domine tout d'abord, avant d'être avalé par la voix caverneuse de Pasi Koskinen. Mais, arrivé à mi-chemin, le morceau se fige, comme si le temps s'était arrêté, pour mourir tout doucement, pendant de très longues minutes tapissant la paroi de nappes aussi minimalistes que répétitives. La transition, brutale et jouissive, avec 'Entwined In Misery', voit les Finlandais appuyer soudainement sur l'interrupteur. Le ton se durcit alors, même si quelques mélopées féminines réussissent à percer la brume, comme sur 'Curse Life', monument englué dans le permafrost en forme de lente élévation que rythme une batterie dont chaque coup sonne comme les derniers battements du cœur. Avec 'Fragile Emptiness', le menu franchit une marche supplémentaire dans l'émotion mortuaire jusqu'à la piste finale et éponyme, complainte hypnotique qui a quelque chose d'une lente marche funèbre, laquelle culmine lors d'une conclusion déchirante de beauté, bercée par la voix spectrale de Natalie Koskinen. L'album se ferme et avec lui le cercueil dans lequel ses auteurs se glissent alors  - et pour toujours, ne tarderons-nous pas à croire. Il faudra en effet attendre onze ans avant que Shape Of Despair ne se réveille vraiment, avec "Monotony Fields", long sommeil à peine brisé par une compilation éponyme, toutefois composée d'un inédit ('Sleeping Murder'), un EP deux titres ("Written In My Scars") et un maigre split partagé avec Before The Dawn. Pendant longtemps, "Illusion's Play" fera donc office de testament, clôturant une trilogie qui a contribué à fixer les codes du Funeral Doom. 4/5 (2015)


                                     

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