Lorenzo
Masotto est un nom qui n'évoquera sans doute rien à la majorité d'entre vous
mais celui de Le Maschere Di Clara peut-être davantage, projet avantgardiste italien
dont l'homme est un des trois membres avec sa sœur Laura et le batteur Bruce
Turri. Diplômé du conservatoire de Vérone, le pianiste et claviériste s'échappe
de son principal port d'attache pour livrer en solitaire ce "Rule And
Case" qui survient un an à peine après le remarqué "SETA". Ceux
qui ont été captivé ou (le plus souvent) effrayé par le rock progressif
expérimental de "Anamorfosi", happening sonore aussi barré que
déglingué que Le Maschere di Clara a enfanté en 2011, divisant d'ailleurs la
rédaction de Music Waves, seront probablement surpris par les atours
contemplatifs de cette précieuse offrande. Quoique à des années lumière d'un
art évolutif, celle-ci n'en porte moins la griffe de son géniteur dont on
reconnaît le goût pour la musique classique et les effusions mélancoliques. La
présence de Laura Masotto et de son violon squelettique qui suinte une
décharnée tristesse, n'est en outre pas étrangère aux habitués des Italiens.
Accompagné d'une belle équipe de musiciens, Lorenzo signe un album instrumental
d'une admirable noblesse de touches, intimiste et émotionnel. Son piano égrène des
notes d'une pureté fantomatique, belles à pleurer, qui étendent un suaire
hivernal, rappelant à celui qui les écoute des paysages transis, figés par un
froid désespoir. Si les instruments électriques sont absents de sa palette,
"Rule And Case" ne se montre pourtant pas avare en lignes
dissonantes, à l'image de 'Sweet Winter' que traversent des rails ferrugineux. Tout
cela pourrait sombrer sans l'ennui mais il n'en est rien car, grâce à toute une
variété de piano et de claviers, que soulignent percussions jazzy ('Senhal'),
trombone, saxophone ('Rainbow') et cordes, le maître des lieux envoûte tout du
long. Déchirante et hypnotique, sa partition nous entraîne dans un voyage
sensitif, propice à l'introspection, à ressentir dans la solitude d'une
immersion que nimbe l'obscurité de l'hiver. C'est beau et grave, d'un
minimalisme absolu qui confine à une forme de recueillement religieux. Œuvre
épurée que nous ne saurions trop vous inviter à découvrir, "Rule and
Case" vibre d'une puissance aussi sourde que tragique qui ne peut de
toucher celui qui a souffert... (2016)
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