Alors
qu'il avait disparu des sonars depuis six ans et le split "Of Dawn And Of
Ice", qui l'associait à Phelios, Kammarheit connaît cette année une
activité particulièrement riche, entre la compilation "Unearthed
2000-2002", somme monumentale agglomérant sur pas moins de six disques (!)
tous ses enregistrements capturés sur une courte période de trois ans, une
collaboration avec Atrium Carceri et Apocryphos et enfin un (tardif) troisième
album longue durée, le premier depuis 2005. Successeur de "The
Starwheel", "The Nest" était donc fortement attendu. La plongée
dans ses sombres arcanes témoigne que Pär Boström, son solitaire maître des
lieux, n'a perdu ni son talent si son inspiration puissamment évocatrice durant
tout ce temps. On croise donc, sans surprise peut-être mais avec un plaisir qui
tient de l'orgasme démentiel, cette dark ambient à la fois habitée et
désincarnée. Habitée parce qu'introspective et presque intime dans sa manière
de fouiller l'âme. Mais désincarnée de part ses sonorités glaciales qui
touchent à la mort plus qu'à la vie dont il ne subsiste qu'un maigre souffle.
Gravée entre 2009 et 2015, l'oeuvre ne souffre pas de cette gestation étirée,
masse unitaire d'une force hallucinée dont les racines s'enfoncent dans les
ténèbres de la terre. "The Nest" a quelque chose d'un magma
frissonnant de matières mortifères qu'il est vain de chercher à émietter en ce
sens qu'il doit être apprécié dans sa froide globalité, comme toujours avec la
dark ambient qui ne se déflore pas comme n'importe quel genre de musique.
Nombreux sont ceux qui affirmeront que ce n'est justement pas de la musique. Il
faut pourtant être sourd pour ne pas être touché par la beauté émotionnelle qui
couve sous les nappes sombrement enveloppantes que tisse le Suédois tel un
gisant drapé d'un suaire pétrifié. A l'aide d'une grande et belle variété de
sons, oppressants parfois, frissonnants toujours, le solitaire peint des
paysages désolés de fin du monde ('Unsealed'). Ces neufs plages semblent en
définitive n'en former qu'une seule, monumentale et d'une noirceur nihiliste.
Son pouvoir d'évocation intact, la musique de Kammarheit s'apparente plus que
jamais à une bande-son tellurique, celle de notre propre mort... Dans les
entrailles de cet opus bout une force cataclysmique qui pourtant à aucun moment
n'explose vraiment, grondante d'une tension rentrée et traversée par un souffle souterrain. En dépit
de cette longue hibernation, Pär Boström continue de travailler, de façonner
son art, reprenant les choses là où il les avait laissées avec "The
Starwheel", moins hermétique qu'à ses débuts mais d'une dimension presque
métaphysique. (2015)
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