Depuis
toujours, le miroir est chargé d'une forte connotation symbolique dont se sont
emparés autant les religions que les arts, objet qui permet de se voir mais également porte vers un autre monde. Ce thème anxiogène propice à toutes les
fantasmagories, ne pouvait qu'inspirer
la dark ambient, masse sonore qui se nourrit plus que tout autre d'atmosphères et
d'images désolées aux confins d'une folie cauchemardesque. Entité solitaire,
Funerary Call en a fait le sujet d'un terrifiant diptyque, baptisé "The
Mirror Reversed", dont on découvre aujourd'hui le second segment. A
l'instar de son devancier publié il y a deux ans, l'opus s'arc-boute autour
d'une seule et unique piste de plus de quarante minutes. Hermétique par nature, le genre devient dans
ces conditions encore plus aride, gommant alors les limites, les frontières,
les balises auxquelles on aime se rattacher. Rassurants, les murs, les côtés
créent un cadre, un territoire défini, contrairement au vide, règne de
l'infini, espace ouvert où l'on peut se perdre. D'où le sentiment de malaise
mêlé d'oppression qui suinte d'une écoute capable d'avaler la plus petite
source de lumière. Si plusieurs parties semblent le jalonner, ce second volet
n'en demeure pas moins un bloc indivisible qui ne peut être appréhendé que dans
sa désincarnée globalité, magma dissonant dont on ne retient tout d'abord que
peu de choses, si ce n'est les fulgurances mortifères qui le hantent. Puis, peu
à peu, de pales nuances surgissent, prennent forme, notamment lors d'une
conclusion aussi belle qu'effrayante. Le Canadien joue des silences, des
instants de mort, pour répandre des ondes funèbres qui jaillissent en un éclair
strident. D'une opacité extrême, "The Mirror Reversed II" se veut
pourtant plus accessible dans sa progression inexorable, que son aîné qu'il
était très ardu de pénétrer, sans que sa défloration se révèle pour autant
confortable. Mais, une fois ferré par ces sonorités froides aux portes d'un
drone sismique, par ces nappes aussi assourdissantes qu'enveloppantes qui
grouillent en une symphonie déglinguée, la beauté souterraine de cette dark
ambient nihiliste finit par inoculer son poison dans nos veines. Prisonniers,
nous ne pouvons alors échapper à ce labyrinthe d'images contaminatrices d'une
lèpre ferrugineuse. A la fois complémentaire et différent de son prédécesseur
avec lequel il forme un ensemble d'une noirceur vertigineuse, ce second volet
aux multiples pans qui fusionnent les uns les autres, fouille autant l'âme que
les chairs, oeuvre cathartique d'une ténébreuse puissance introspective.
(2016)
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