Gérer
le départ de celui (ou celle, au cas particulier) qui incarne son identité
vocale n'est jamais chose aisée, même quand on n'évolue pas tout à fait en
première division. De fait, si Draconian ne possède ni la renommée de Nightwish
ni celle de The Gathering par exemple, faire face au départ de sa chanteuse
historique (même si elle ne l'a rejoint que six ans après sa formation) , Lisa
Johansson partie en 2011 pour des raisons personnelles, n'en fut pas moins une
épreuve à surpasser. Ceci explique le long délai séparant " A Rose For The
Apocalypse" de cette sixième offrande, alors que sa remplaçante a
finalement très vite été choisie, dès 2012. Mais le groupe a pris son temps,
bien conscient qu'il importait de ne pas brusquer les choses afin de ne pas
rater le début de ce nouveau chapitre de sa carrière. Nommée Heike Langhans, la
nouvelle voix (féminine) des Suédois n'est cependant pas une parfaite inconnue,
active depuis une bonne dizaine d'années dans la sphère dark/electro via son projet,
:LOR3L3I: basé dans son Afrique du Sud natale. La jeune femme n'est donc pas
qu'un beau minois. Le groupe a-t-il fait le bon le choix en la recrutant ?
"Sovran" en livre la réponse et ce, de la plus magnifique des
manières. S'accouplant, comme sa devancière, avec l'organe d'outre-tombe de
Anders Jacobsson, la belle se fond dans ce ténébreux corset avec une aisance
qui pourrait laisser croire à ceux qui découvraient Draconian avec cet album
qu'elle en est depuis toujours une pièce maîtresse. Son timbre diffère pourtant
de celui de Lisa, faisant parfois plus qu'évoquer la voix de Sharon Den Adel
(Within Temptation). Corollaire de cette filiation, jamais la musique des
Scandinaves n'a paru aussi proche des balbutiements des Hollandais lorsqu'ils
étaient encore ancrés dans le gothic doom ('The Wretched Tide'). Du coup, après
s'en être quelque peu éloigné à compter de "Turning Seasons Within",
louchant alors vers Opeth et Katatonia, le sextet entame un retour à ses
racines granitiques, ce dont on ne se plaindra évidemment pas, d'autant qu'il
est réussi. En dépit de son imposante durée (67 minutes au garrot),
"Sovran" passionne tout du long, qualité qu'il doit autant à la voix
de sa chanteuse, sirène chargée d'envoûter le pèlerin afin de l'entraîner au fond
des limbes qu'à des compositions fleuves admirablement écrites. Citons à ce
titre 'Pale Tortured Blues' au final beau à pleurer, 'Stellar Tombs', sans doute une des plus
belles créations de ses auteurs. N'oublions pas non plus 'No Lonelier Star',
enclume sombrement romantique, elle aussi pourvue d'une conclusion aux notes
obsédantes. L'alliance entre ces vocalises cristallines et les lignes de
guitare aux allures de vigie perçant la brume, procure de savoureux frissons et
ce dès 'Heavy Lies Crown', porte d'entrée irrésistible d'un opus qui tient
toutes ses promesses. Draconian a peut-être perdu en cours de route une part de
sa personnalité mais il compense ce relatif défaut par une beauté démultipliée
et une inspiration qui ne l'est pas moins. Inquiets suite au départ de Lisa
Jacobsson dont on pensait qu'elle serait difficile à remplacer,
"Sovran" balaie nos doutes tel un fétu de paille, permettant aux
Suédois d'être sereins pour l'avenir. Si ceux-ci se sont faits désirer, leur
retour nous comble au-delà de nos attentes... (2015)
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