S'il
fut autrefois un des chanteurs les plus charismatiques de la chapelle black
metal, grâce à deux albums référentiels, "Nouveau Gloaming" de Code
et "Supervillain Outcast" de
Dødheimsgard, publiés respectivement en 2005 et 2007, Mathew McNerney, plus connu
sous le nom de Kvohst, a depuis longtemps largué les amarres vers d'autres
cieux, moins extrêmes bien que toujours sombres, prenant ses distances avec
l'art noir. On peut le regretter, mais il est également permis de s'en réjouir
car les différents projets qui l'occupent désormais et dans lesquels sa voix
claire et théâtrale fait des merveilles se révèlent aussi divers que
passionnants. Quel rapport en effet entre le dark folk boisé de Hexvessel et le
post punk de Grave Pleasures ? Peu de choses à priori, hormis ce chant
puissamment émotionnel et ces ambiances gorgées d'une encre noire, celle du
désespoir. Sujet de ces quelques lignes, penchons-nous un peu sur ce dernier. D'abord
appelé Beastmilk et auteur il y a deux ans d'un opus remarqué,
"Climax", le groupe change d'identité en début d'année, suite au
départ du guitariste Goatspeed, ce qui scelle à la fois la fin d'une ère et le
début d'une autre. Si le style reste identique, les musiciens, parmi lesquels
figure notamment la blonde Linnéa Olsson (The Oath) à la six-cordes, sont bien
décidés à franchir une étape supplémentaire vers un succès plus grand encore
que sa signature, rock et apocalyptique, semble lui promettre. Le groupe a donc
mis les petits plats dans les grands. Hébergé chez Sony et produit sous la
houlette de Tom Dalgety, connu pour son travail avec Killing Joke,
"Dreamcash" réunit toutes les qualités pour imposer ces géniteurs
au-delà du simple public metal. Bien que courts, fignolés avec précision comme
des pièces d'orfèvre et dotés de lignes mémorables ('Utopian Scream'), les
titres sont pourtant loin d'être calibrés pour cartonner sur les ondes,
pulsations au contraire souvent déglinguées et extrêmement personnelles dans
leur expression à la fois très rock, mais néanmoins désenchantées, témoin ce
'New Hip Moon', sorte de tube rock mélancolique et pulsatif. Il y a constamment un détail qui vient
finalement perturber une écoute moins confortable qu'il n'y parait. Ici des
guitares vicieuses ('Crooked Vein'), là une mélodie qui ne file jamais droit
(le percussif 'Crying Wolves'). Et toujours cette voix à nulle autre pareil,
expressive et singulière qui confère nécessairement à l'art de Grave Pleasures
une tonalité bien à part, à des années-lumière de la musique de grande
consommation. En troquant un nom pour un autre, le groupe n'a pas seulement
changé d'identité, il a atteint une maturité et tout simplement une autre
dimension, réussissant en cela son pari. (2015)
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