Crawling In Sludge | Le Dormi Dau Munstre (2015)

Déjà, il y a ce nom, Crawling In Sludge, qui annonce un machin bien méchant, du lourd, du crasseux, du minéral, du qui sent sous les bras. Bref, du doom quoi, mais dans sa définition la plus rude et velue. Le dard dressé vers la scène stoner/sludge US, celle de Down et autre Crowbar, le groupe est pourtant français. Cela ne s'entend pas. Or, cela devrait être le cas, non pas du fait d'une quelconque franchouillardise, mais à cause de la langue qu'il a choisi d'honorer, le dialecte poitevin, lequel participe en réalité pleinement d'un art pachydermique. Ce n'est pas là, loin s'en faut, le seul intérêt à mettre à l'actif de Crawling In Sludge, comme le démontre "Le Dormi Dau Munstre", sa seconde enclume, forgée quatre ans après un "Tarzé A Crvéa" qui augurait déjà du meilleur. Au programme, sept titres aux allures de rouleaux-compresseurs, tendus comme le foc d'un navire, trapus, la peau épaisse. La purée est crachée en moins de quarante minutes, c'est dire si le quintet, constitué pour une bonne part d'anciens membres de Inside Conflict, ne s'embarrasse d'aucun artifice pour asséner son sludge façon mastodonte, imprimant un tempo rocailleux comme prisonnier d'une nappe de mazout. Assommé par un très bon chanteur, au timbre forcément patibulaire, ces compos charrient une violence poisseuse et sourde à la fois ('Le Jhour Voure'). Mais nichée au fond de leur sale intimité, une espèce de beauté triste suinte parfois telle une sécrétion obscure, cyprine coulant le long de ces guitares minées par le désespoir le plus absolu. 'Le Creus de ma Moen', que fissure une partie instrumentale belle à pleurer, 'Abriall De Chaer', qui abrite lui aussi une seconde partie creusée par un torrent émotionnel sans omettre le terminal 'Le Sogue Me Crve', véritable puits de douleur, illustrent la manière dont leurs auteurs s'échappent d'un pesant carcan sans jamais toutefois museler une inexorabilité définitive, cependant qu'ils n'hésitent pas, certes rarement, à passer la seconde pour se lancer, comme au milieu du titre éponyme, dans l'érection d'un tempo implacable. A la fois fidèle aux saintes écritures et doté d'une personnalité qui n'appartient qu'à lui, Crawling In Sludge nous offre une leçon de sludge plombé et vicieux qu'il est impossible, lorsque l'on est sensible au genre, de prendre en défaut. (2015)