Nechochwen occupe depuis toujours une place
résolument à part au sein de la chapelle noire, si tant qu'il en fasse vraiment
partie. Car si ce n'est un chant hurlé, qui d'ailleurs souvent se mêle à un
autre, plus clair et des atours parfois durs sinon rapides, on peut se demander
pourquoi le groupe est arrimé au Black Metal. Et au final, ce sont moins ses
racines extrêmes dont il demeure toujours quelques oripeaux qui expliquent cet
ancrage que la dimension spirituelle quasi métaphysique de son art profondément
ancré dans la géographie nord-américaine. A la lisière d'un neofolk automnal,
les deux frères d'arme que sont Aaron Carey et Andrew Della Cagna peaufinent
ainsi depuis dix ans une œuvre aussi rare que précieuse, à laquelle on peut
rajouter celle de Forest Of The Soul, leur jardin secret parallèle, une œuvre
dont la personnalité n'appartient qu'à eux. En 2012, le EP Oto fut une belle
réussite mais son caractère uniquement acoustique a pu en décevoir certains,
estimant, à raison peut-être, que c'est justement lorsque le tandem conserve
des amarres à un terreau black metal qu'il se montre le plus à son avantage,
vibrant alors d'une majesté à la fois puissante et émotionnelle. Cinq ans après
Azimuths To The Underworld, Nechochwen nous offre enfin une troisième offrande
longue durée que nous étions nombreux à attendre. Comme nous l'espérions, ses
auteurs renouent avec un humus électrique sans pour autant gommer les arpèges
forestiers dont ils sont coutumiers. Le résultat est à la hauteur de l'attente,
opus chatoyant qui se pare des mêmes couleurs que les arbres en automne.
Comparé à son prédécesseur, presque cosmique dans son expression du genre,
Heart Of Akamon se veut plus terreux, plus connecté encore aux peuples qui
vivaient en Amérique avant que les Européens ne viennent les envahir.
Corollaire de ces teintes plus rugueuses, la musique arbore une agressivité,
certes relative bien que plus affirmée que sur ses devanciers. A ce titre, 'The
serpent Tradition', qui lance l'écoute, surprend. Après une intro acoustique
belle comme un chat qui dort, le titre démarre, imprimant un tempo furieux,
trame torrentielle néanmoins fissurée par des lignes de guitare osseuses. Il faut saluer le bel équilibre que le
groupe est parvenu à atteindre sur cet album, entre éléments qui se déchaînent
et envolées stratosphériques ('Lost On The Trail Of The The Setting Sun',
'Skyhook'), le tout tavelé de pauses squelettique d'une beauté aussi noble
qu'admirable, témoins 'October 6, 1813' et 'Skimota', courtes et sèches
respirations chargées d'une émotion boisée. Plus
l'écoute progresse, plus les ambiances instrumentales s'installent, lentes et
feutrées, d'une douce mélancolie, culminant lors de 'Kiselamakong', ode
terminale aux confins du Doom. Vous
l'aurez compris, Heart Of Akamon se révèle être une œuvre tout du long
magnifique, d'une belle pureté de touches et de traits, emplie d'une noblesse
que teinte une discrète amertume, hommage à ces Indiens, peuples courageux,
chassés de leur terre. (2015)
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