L'année
2011 n'a pas seulement vu The Wounded Kings enrôler une chanteuse comme guide
funèbre chargée d'occuper la place laissée vacante par le départ de George
Birch mais il a surtout permis à ce projet de devenir un vrai groupe qui
n'était à l'origine que le fruit d'un duo, celui formé par le démissionnaire et
plus encore par le multi-instrumentiste Steve Mills. Quand bien même ce dernier
en demeure l'incontestable maître des lieux, cette mutation, loin d'être
anodine, a conféré à la musique des Anglais une ampleur alors inédite, une
puissance organique qui leur faisait défaut. Davantage que sur "In The
Chapel Of The Black Hand", premier opus de ce mark II, c'est sur scène que
la transformation fut le plus évident, communion occulte propulsée par le jeu de
batterie superbement dynamique de Mike Heath. On sent à l'écoute de ce nouvel
album que la formation s'est justement nourrie de cette expérience scénique,
gagnant autant en unité qu'en énergie sombre. Agrégat rassemblé autour du
guitariste au moment de l'enregistrement du disque précédent, les musiciens
sont désormais parfaitement intégrés, même si un nouveau bassiste a déjà été
recruté depuis. Plus solide, le groupe en a profité pour travailler son art, le
polir à la manière d'une sculpture, ténébreuses et massive, reprenant là où
l'avait laissé "In The Chapel Of The Black Hand". Comme à
l'accoutumée le contenant se révèle peu attirant, reflet trompeur d'un contenu
quant à lui plus riche qu'il n'y parait, déambulation pachydermique et faussement
monotone. En effet, loin d'en avoir altérer la lourdeur granitique, l'arrivée
de la prêtresse Sharie Neyland a au contraire contribué à abîmer le doom de The
Wounded Kings dans des profondeurs plus abyssales encore. Bathyscaphe
démentiel, "Consolamentum" continue de forer cette roche à l'aide de
guitares prisonnières d'un cosse minéral qui en entrave la progression,
plongeant l'écoute dans une langueur brumeuse que soulignent des nappes de
claviers discrètes mais fantomatiques ('The Silence'). Si le chant de la déesse
reste un des arc-boutants sur lequel se dresse l'édifice, le groupe pousse
néanmoins à leur paroxysme ces instants comme suspendus au-dessus d'un gouffre
où rien ne semble vraiment se passer, repoussant le plus longtemps possible le
jaillissement de sève sentencieuse qui s'écoule de l'organe de la chanteuse.
L'inaugural 'Gnosis' est à ce titre révélateur de cette attente toujours
repoussée, longue plainte qui parait ne jamais vouloir démarrer jusqu'à
l'éruption de Sharie Neyland au bout de plus de quatre minutes que tricotent
des guitares pétrifiées dont la batterie mangeuse d'espace est le puissant
contrefort. Bordé par trois pistes instrumentales, "Consolamentum"
concentre quatre marches funéraires, souvent monumentales, aux allures de corridor
opaque aux telluriques arcanes que drapent tel un suaire des atmosphères aussi
envoûtantes que hantées qui rendent l'oeuvre presque insaisissable. The Wounded
Kings possède un son vraiment singulier, forgeant un doom' hammerien' qui
n'appartient qu'à lui et que cette quatrième offrande peaufine encore
davantage, confirmant un style désormais parvenu à maturité. Rituel occulte en
apnée, aux ambiances pesamment éthérée, 'Consolamentum est un très grand
disque. 4/5 (2014)
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