19 décembre 2013

Chronique : Hypnos - The Fall (2013)




Il existe une forme de magie - sombre et tendue - du Post Metal qui explique, en partie, la réussite de "The Fall", régurgitation séminale de Hypnos, groupe lyonnais né en 2011 des cendres de plusieurs autres tels que Neuromas, Pi et Violence From Within. Rien que du très éprouvé à première vue. Il faut dire que le genre a ses codes, immuables, indélébiles : guitares lourdes, son terrassant, chant testiculeux et hargneux, brutalité désespérée... Autant d'invariants hérités des travaux matriciels des Neurosis et compagnie. Tout semble avoir été dit. (faussement) figé, le style continue pourtant à enfanter d'excellents albums. Preuve en est donc avec ce galop d'essai à la puissante tenue digne des plus grands. Le programme s'articule autour de six pistes, compactes et massives, bloc de matière brute aux allures de monolithe vertigineux profondément enraciné dans la terre. Une chape de plomb s'abat dès l'écrasante amorce baptisée 'Burden', étau qui ne s'ouvrira pas jusqu'aux ultimes mesures achevant 'Beast'. Sous ce substrat terreux vibre une tension souterraine. Mais là où Hypnos tire son épingle du jeu, tient dans cette étonnante capacité à aérer ses compositions, à briser le monolithisme attendu, à l'intérieur de chacune d'entre elles se nichant des détails, des passages furieusement beaux. Citons le pont atmosphérique coupant en deux le titre d'ouverture, respiration aussi pétrifiée que douloureuse chargée d'une tristesse qui confine à la résignation. Il y a aussi cette guitare pointilliste qui s'élève en un sustain émotionnel durant la dernière partie de 'Arrow', pulsation à la longue entame. Les Lyonnais aiment à prendre leur temps pour installer leurs ambiances d'une force inexorable, faisant tournoyer pendant plusieurs minutes des riffs granuleux avant que le chant ne surgisse en une explosion de haine poisseuse et viscérale, comme c'est le cas avec la seconde partie du diptyque '[h]elle'. On sent toutefois que Hypnos pourrait aller encore plus loin. Encore prisonnier d'une geôle aux dimensions trop petites pour lui, il devrait plus tard faire éclater ces frontières. L'espace qui s'en trouvera alors libéré sera plus monumental encore. En l'état, "The Fall" se révèle une très bonne surprise qui mérite clairement mieux que son nom dont le quelconque ne fait pas vraiment honneur à la richesse qui couve dans les entrailles de ces morceaux aux puissantes fondations, quand bien même ces deux mots traduisent bien par leur simplicité abrupte la mélancolie absolue qui mine l'ensemble, oeuvre écrite à l'encore noire d'un désespoir que la triste beauté ne réussit jamais vraiment à diluer... Le potentiel à peine défloré, gageons que Hypnos est à suivre de près... (Music Waves 2013)



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