Si un premier album est rarement sans faiblesses - ce n'est pas grave -, son successeur se doit en revanche de gommer ces dernières et de travailler le matériau ébauché par son devancier. En cela, Canto III se révèle être une incontestable réussite, faisant mieux que transformer l'essai, incarné il y a juste un peu plus d'un an par un Sui Caedere dont les nombreuses qualités se noyaient parfois dans de pesantes longueurs, à tel point qu'on venait à lui préférer les deux EP qui l'encadraient, Awoken By Crows et plus encore The Deceit. Cette seconde prière témoigne donc déjà que EYE OF SOLITUDE a appris à maîtriser le canevas étiré dont il use toujours avec largesse. Du coup, là où l'opus précédent n'évitait par moment que de peu l'ennui, Canto III y trouve une dimension tout bonnement monumentale. Désormais maîtres de leur art, les Anglais ne craignent d'ailleurs pas d'ouvrir le menu avec la plainte la plus longue du lot laquelle, du haut de ses 14 minutes au garrot, prend l'allure d'une terrifiante amorce, véritable odyssée épique où explose le talent de ses auteurs pour les ambiances froidement funéraires, qu'étendent des claviers comme échappés des contrées finlandaises. Aucun temps mort cette fois-ci mais on se demande toutefois comment le groupe parviendra à maintenir une telle qualité tout du long. En fait, cette ouverture, aussi flamboyante soit-elle, est très vite balayée par une suite encore plus démentielle, à commencer par "Where The Descent Began", lequel réussit avec une classe insolente, à conjuguer la puissance abyssale d'un TYRANNY, grâce aux gorges profondes de Daniel Neagoe et aux nappes d'une langueur funéraire brodées par Pedro Caballero Clemente et la beauté émotionnelle du ANATHEMA de la grande époque, cependant que les osseuses lignes de violon qui le hantent ne sont pas sans évoquer le travail de Clint Mansell pour la bande originale de The Fountain. Alternant voix caverneuses et chant clair murmuré, le chanteur y livre une performance magnifique digne des plus grands, ce que confirme également "I Sat In Silence" où ses vocalises profondes soulignent des lignes de six-cordes belles comme un chat qui dort. Perforée en fin de parcours par une brutale accélération qui l'arrime franchement au Black Metal, cette composition d'une richesse admirable confirme à quelle science de l'écriture ciselée est parvenu EYE OF SOLITUDE. Soignant les atmosphères et les arrangements, celui-ci aime toujours prendre à son temps, installant le cadre d'une douloureuse tragédie, comme l'illustre "He Who Willingly Suffe" dont les longs préliminaires éclatent ensuite en un terrible orage de désespoir. Loin du monolithisme de Sui Caedere, le récit a quelque chose d'un interminable - au bon sens du terme cette fois-ci - corridor aux multiples portes, que coupe très souvent en son milieu des pauses contemplatives de gisants pétrifiés ("In the Desert Vast"). Grâce à ces guitares qui tissent une toile dont chaque fil est une larme infinie ("The Pathway Had Been Lo"), les Britanniques atteignent un Golgotha de tristesse comme nous n'avions plus entendu depuis... Très longtemps. L'impression d'entendre le mariage entre l'éclat funéraire scandinave et la mélancolie minérale du UK Doom est alors tenace, ce qui est tout à leur honneur. Signant un véritable mètre-étalon du genre, tragique et envoûtant, on se demande toutefois comment le groupe pourra faire mieux par la suite... (La Horde Noire 2013)
Genre Funeral Doom Death
Label Kaotoxin Records
Durée 66:03
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