9 décembre 2013

Chronique : Colosus - Blestem (2013)



Etre le chanteur d'un des groupes de Doom/Death les plus grandioses - et des plus prolifiques ! - apparus depuis longtemps, Eye Of Solitude pour ne pas le nommer, ne lui suffit pas. Non, artiste aux facettes aussi multiples que les sobriquets, Daniel Neagoe ne peut donc trouver dans ce seul projet matière à assouvir sa funèbre inspiration. Jamais très loin de la chapelle doloriste dont il est un effrayant vicaire, l'homme aime à se disperser, modelant son talent dans le caveau du Funeral Doom avec Deos ou dans les sombres méandres d'un Black mortifère avec ce Colosus qui nous intéresse aujourd'hui. Cela faisait un bon moment que nous guettions le premier signe de mort de ce side-project solitaire, depuis les sinistres mise-en-bouche offertes sur la page Bandcamp qui lui est dédiée, que furent "Intuneric" ainsi que la reprise du "Red Snow" de Coldworld. Presque an plus tard, Blestem débarque sous l'égide naturelle de Kaotoxin Records. Affirmer que cette hostie séminale vient combler cette interminable attente tient de l'euphémisme tant on tient là un monument indicible qui redonne (enfin) toute ses couleurs (noires) à cet art abyssal de la douleur depuis trop longtemps incapable de serrer le noeud autour de notre cou. Bien que Khrud n'en soit qu'une des pièces constitutives, la filiation avec Eye Of Solitude n'est pas anodine. Colosus partage ainsi avec son aîné un goût identique pour les complaintes étirées et les menus remplis jusqu'à la gueule. A ce titre, on ne peut que louer l'impressionnant travail du musicien qui en l'espace de trois ans à peine a contribué à la réalisation d'un corpus d'albums gargantuesques. Tout le monde ne peut pas en dire autant. Le caractère massif, colossal, de ces compositions participent également de cette évidente parenté entre les deux projets, que cultive enfin la présence en invité du décidément incontournable Déhà (Yhdarl et bien d'autres encore), qui, après son duo avec Arnaud Strobl         sur The Deceit de EOS, vient hanter "La Apus".  De là à dire que ceux-ci ne sont que des frères-jumeaux, il y a un pas que nous ne franchirons pas car, en dehors du fait qu'une même voix - quoique moins d'outre-tombeuse ici -  les unit, la comparaison s'arrête là, encore que certains titres, certaines idées, ne dépareilleraient pas tout fait au milieu d'un opus d'Eye Of Solitude. Moins monolithique, Blestem gronde d'une puissance souterraine et rampante. Il ouvre les veines d'une tristesse mortuaire, qui n'est pas sans évoquer le fantôme du Katatonia originel, comme l'illustre "Mormant". Amorcé par un prologue à la beauté triste et languissante et cisaillé par le court éponyme dont seuls quelques cris possédés l'empêche d'être totalement instrumental, l'opuscule a des allures de procession funèbre, chemin pétrifié à travers la brume en même temps qu'appel depuis limbes que bordent six blocs de pierre sculptés dans l'inexorabilité. Enveloppantes, les nappes de claviers figent dans une nuit éternelle ces plaintes souvent envoûtantes à l'image de la reprise de Coldworld, toujours glaciale comme un linceul lessivé par la pluie tel le superbe "Intuneric". Bien qu'emporté par quelques accélérations ("Dorinta"), un tempo englué dans le désespoir mine Blestem tout du long jusqu'aux ultimes battements qu'incarne le terminal "Pustiu" aux sinistres effluves Ambient. Conjugué au presque parfait, ce coup d'essai est un coup de maître, réussissant même à surpasser Eye Of Solitude dans son expression d'une inexorabilité meurtrie. (La Horde Noire 2013)




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