Le
raccourci est facile mais Fen est un peu à l’Angleterre ce que Agalloch est aux
Etats-Unis, soit l’artisan d’un Black Metal évolutif, nourri d’influences
atmosphériques et peintre d’une nature, quasi mystique chez les Américains,
beaucoup plus terreuse et âpre chez les enfants d’Albion. Le groupe développe à
sa manière très personnelle un art noir dont il serait tentant de dire qu’il
est aéré de touches moins extrêmes, aux confins du Post-Rock notamment, mais
qui pourtant charrie toujours une brume opaque, lourde qui l’empêche de
décoller. De fait, la musique de Fen reste collée à la terre, à la tourbe, à la
boue, reflet de paysages naturels figés par le brouillard. A l’instar de son
prédécesseur, The Malediction Fields, Epoch a quelque chose d’une porte ouverte
sur une nature sombre, humide et crépusculaire, que seule le socle anglais
battu par la pluie et le vent pouvait enfanter. De prime abord décevante, cette
seconde offrande qui se déploie encore une fois par le biais de longues
échappées, n’offre pas son intimité dès sa première pénétration. Les écoutes
initiales renvoient l’image d’une œuvre aux contours flous, corsetée par un
crachin pénétrant et de laquelle on ne retient tout d’abord pas grand chose.
Puis peu à peu, sa richesse se fait jour, perçant le fog qui l’entoure. On
découvre alors un album qui allie la rage du pur Black-Metal ("Ghosts Of
The Flood") à une beauté terreuse. De cet humus jaillissent des
compositions fleuves qui sillonnent des chemins sinueux assombris par l’orage,
même si par moment quelques rayons de soleil parviennent à percer les nuages
("The Gibbet Elms" en constitue une bonne illustration). Tour à tour
venimeux ou plus clair et presque shoegaze bien que toujours en léger retrait,
le chant est comme une vigie funeste guidant l’auditeur tandis que les claviers
tapissent des champs aux ambiances grisâtres ("Ashbringer" par
exemple, que déchirent des fissures atmosphériques ou "Of Wilderness And
Ruin") et les guitares, autant stratosphériques que prisonnières d’une
croûte boueuse, tissent des mélodies grêles empreintes d’une mélancolie
hivernale. Fen possède vraiment cette capacité de mettre les mains dans la
terre, de promener l’auditeur dans un décor marécageux. S'il creuse un sillon
identique à son prédécesseur dont il demeure toutefois un cran en-dessous, Epoch
confirme la singularité et l’inspiration de ses auteurs qui viennent également
de collaborer avec De Arma pour un split (Toward The Shores Of The End) lui
aussi tout à fait recommandable. On tient vraiment avec Winterfylleth,
Wodenthrone et Fen, une nouvelle génération de hordes noires britanniques qui,
chacune à leur façon, honorent le Black Metal tout en l’inscrivant dans une
histoire et une géographie qui leur est propre. (2011)
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