Si
on peut regretter que Wodensthrone n'ait pas poursuivi l'alliance contractuelle
scellée avec le modeste label américain Bindrune Recordings qui l'a sinon
découvert - le groupe avait déjà alors deux splits dans sa besace – lui a du
moins permis de franchir une étape, il est néanmoins évident que Candlelight
qui l'a récupéré peu après la publication de Loss, a davantage la carrure
nécessaire pour l'aider à décupler le succès rencontré par cette première
offrande. Reste que ce sont souvent les petits labels qui abattent le plus gros
travail, les gros se contentant ensuite d'en moissonner les fruits. Mais
revenons à notre sujet, c'est-à-dire à Wodensthrone, troisième côté d'un
véritable triumvirat du néo-Black-Metal anglais avec Fen (en plus atmo et post
rock) et surtout Winterfylleth, avec lequel il noue aussi bien des liens
fraternels puisqu'on retrouve parmi ses membres et principal compositeur,
Richard Brass, ancien guitariste de Wintefylleth donc, que spirituel, les deux
groupes partageant une muse identique, celle de l'Angleterre païenne. En 2009,
Loss fut à la hauteur de l'attente suscitée, à la fois par sa filiation avec la
famille Atavist et par Over The Binding Of The Waves, le split avec Folkvang. A
peine lui reprocha-t-on l'influence trop marquée de Primordial et de Drudkh.
Curse se devait d'être autant une confirmation qu'une affirmation, celle d'une
personnalité plus nette. Concernant le premier point tout d'abord, Wodensthrone
dresse une inspiration encore plus dure et vigoureuse qu'il y a trois ans. Si
Curse reprend les bases établies par son prédécesseur, notamment ces structures
épiques, n'hésitant pas à tutoyer les dix minutes quand il le faut, il les
transcende, les propulse vers les sommets que nous espérions voir le groupe
commencer à escalader. S'ouvrant sur un court instrumental vite enterré,
l'album suit une courbe ascendante. A "Jormungandr" et "First
Light", solides compositions au demeurant, qui animent la première des
trois parties qui se dessinent, succèdent "The Great Darkness" et
"Battle Lines", ensemble massif qui impose définitivement le talent
des Anglais pour ériger un art noir riche d'une emphase séculaire et
crépusculaire. Bien que très présents, les claviers accompagnent plus qu'ils ne
soulignent à gros traits les paysages majestueux forgés par ces guitares
abrasives. Ces deux titres forment l'épicentre de l'opus dont l'intérêt se
stabilise un temps avec "Wyrgpu", dans la lignée de ses compagnons,
puis "The Storm", pulsation ferrugineuse et guerrière à laquelle on
ne s'attend pas vraiment de part sa vélocité tout du long maintenue et sa
(relative) courte durée, laquelle tranche par rapport au reste du menu. Mais
son fondu-enchaîné à ce qui s'avère être l'apogée de ce deuxième calice est
irrésistible et justifie à lui seul la présence de ce morceau, le plus Black
Metal du lot. Curse meurt avec "The Name Of The Wind" qui renferme
une seconde surprise, de taille celle-ci. Cette conclusion démarre d'une
manière très atmosphérique, au son du vent. Puis la batterie survient et le
rythme décolle sur un lit de claviers. C'est peu à peu un climat d'une beauté
infinie, mêlée de tristesse que ni le chant noir et rocailleux ni les brusques
et grandioses accélérations ne réussissent à effacer. Puis le titre entame une
décélération douloureuse qui permet au groupe de démontrer l'étendue de son
spectre émotionnel, jusqu'à ce que rugisse la voix abyssale de Greg Chandler,
invité de luxe dont la présence s'explique autant par le fait qu'il a
enregistré et mixé l'album que par l'évidence de cette association. Conjugué
aux cris du chanteur d'Esoteric, la musique de Wodensthrone accède alors à une
autre dimension, quasi cosmogonique. Sûrement un des plus beaux morceaux
entendus cette année. Ni plus ni moins ! Confirmation du potentiel déjà à
l'œuvre sur Loss, Curse se veut enfin l'affirmation d'une identité, d'un style
désormais plus personnel, qui ne doit ni à Primordial ni à Winterfylleth. La
formation a digéré ses influences, ses racines, aboutissant à un Black-Metal
d'un paganisme épique qui n'appartient qu'à elle. Marqué par le sang et le fer
des ancêtres, Curse est une plongée dans une époque reculée dont ses auteurs ont
su capter l'âme ainsi que la nature païenne. 4/5 (2012)
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